Gargoyles : pourquoi c’est une série culte et sauvage, à revoir sur Disney+

Mise en chantier par Disney dans le but de faire concurrence à la série animée Batman et son fracassant succès, Gargoyles s’est finalement imposée comme une œuvre culte, dont les fans attendent désespérément le retour. 

Parce que Animaniacs sont souvent (et à raison) considéré comme les chefs d’oeuvres de leur médium et de leur époque, que la diffusion en Europe du dessin animé a été pour le moins imparfaite, Gargoyles n’est que rarement citée parmi les grandes séries des années 90. Mais, les vrais et les combattants de pierre le savent, il s’agit d’une immense réussite, à la richesse rarement égalée.

 

Allez, envoie le pâté !

 

BADASSERIE  MULTICULTURELLE 

Les Gargoyles sont, comme leur nom l’indiquent, des gargouilles. Pétrifiées le jour, méchamment actives la nuit, celles qui nous intéressent ont été victimes d’un sort leur interdisant de s’animer avant que le château qu’elles occupent ne se dresse au-delà des nuages. Quand un milliardaire, Xanatos, entend parler de la légende et décide transposer le bâtiment médiéval au sommet de gratte-ciel de Manhattan, il croit se payer un style de malade, mais surtout une jolie troupe d’hommes de mains surnaturels.

 

Et si le méchant, c'était Tony Stark ?

 

Sauf que les gargouilles, emmenée par leur chef Goliath, ne souhaitent ni lui obéir ni servir ses sombres desseins. Un point de départ haut en couleur, mais dont on ne retranscrit ici qu’une fraction, tant il s’avère complexe et touffu. En effet, il ne faut pas moins de cinq épisodes à la série pour installer tous les tenants et aboutissants de son univers et ses grands enjeux dramatiques. Et à chaque chapitre, les yeux du spectateur s’écarquillent un peu plus. 

Rarement le public aura eu droit à la mise en place d’une mythologie aussi variée et ambitieuse. En quelques heures, le scénario mélange un canevas super-héroïque qui lorgne fort du côté des Tortues Ninja, les légendes écossaises, des greffons de Dark Fantasy, recycle plusieurs anti-héros shakespeariens, roule des galoches à Mary Shelley, tout en faisant du pied au folklore Grec. Le tout s'incarne dans un bestiaire varié, à la générosité sans cesse renouvelée, qui ose des emprunts continus et profonds à quantité de culture et de mythologies, invitées à dévoiler des pans de leurs grands récits et autant de héros inoubliables.

 

Avoir la classe et le kitsch en même temps

 

Et cette invraisemblable mixture tient miraculeusement la route. Peut-être parce qu’une des grandes influences sous-jacentes du show provient du Japon. Dans la relation entre Goliath et Eliza, les mécaniques du Shojo sont évidentes, mais c’est plus dans l’organisation de ses nombreuses plaques tectoniques que Gargoyles fait preuve d’une remarquable inspiration. La tradition de mêler des courants esthétiques ou culturels est vive du côté des mangas et anime, et il suffit de regarder le château de nos gargouilles trônant au-dessus de Manhattan pour sentir que ses auteurs ont appris à bonne école. 

Ce formidable terreau permet à l’action, nécessairement limité par les possibilités techniques et économiques de l’époque et du , de demeurer ravageuse. En témoigne le générique du cartoon, resté célèbre pour son découpage, ses images puissantes, et sa musique galvanisante. 

 

Un couple sacrément humain et touchant

 

DE SHAKESPEARE AU CARTOON 

Comme ses intrigues sont le plus souvent épisodiques, des pans entiers de son univers auraient pu transformer Gargoyles en un récit très balisé, mettant aux premiers plans une troupe de héros combattant le crime. Mais les auteurs Brynne Chandler, Michael Reeves et Steve Perry ont opéré un tout autre choix, qui a donné au dessin animé toute sa profondeur. Ici, malgré la présence de nombreux “méchants de la semaine”, ce qui motive toujours l’action, ce ne sont pas des rôles fonctions, ou un programme systématiquement répété, mais bien les motivations et dilemmes de chaque personnage. 

Xanatos voit les gargouilles s’opposer à ses plans de domination, mais parce qu’il les respecte, ne peut se résoudre à les assassiner. Demona a beau avoir juré la perte de l’humanité, la solitude et les trahisons subies au fil des siècles ont fait d’une combattante farouche un véritable agent du chaos. Macbeth n’est pas tant malintentionné qu’un individu devenu immortel et dont les principes ont évolué au cours d’une existence dont les enjeux sont bien différents des mortels. Il en va ainsi des gentils comme des méchants, qui n'agissent jamais mécaniquement, mais sont le fruit tant des choix et erreurs és que des conséquences sur leurs destinées des actions des autres.

 

Un design fabuleux

 

Tous font face à des conflits moraux ou émotionnels d’une grande violence, qui les confrontent à des décisions terribles. Et les sentiments de tous brillent par leur sens de la nuance. Sans jamais verser dans le prêchi-précha, le cartoon aborde des questions identitaires fortes, alors que ses héros apprennent à échanger avec différents mondes, et se frottent bien comme il faut à l’altérité. D'ailleurs, fait relativement rare dans les  séries animées feuilletonnantes, les héros comme leurs adversaires évoluent. Les épreuves qu'ils traversent les marquent, altèrent leur caractère, conférant à l'ensemble une belle progression.

Signe de cette richesse d’écriture, la série demeure vive dans les mémoires, son retour est régulièrement demandé, tandis que les projets, plus ou moins sérieux, plus ou moins avancé font surface régulièrement (on évoquait l’investissement de Jordan Peele dans un reboot en 2018). Et cela, en dépit d’une troisième saison très en dessous des deux précédentes, d’une série de comics médiocres et d’une diffusion (au moins en Europe) très erratique. 

Encore pétrifiée, cette pépite pourra-t-elle s’animer de nouveau sur Disney+ ? 

 

Bientôt de retour ?