Chef, oui chef !
Depuis le succès surprise de sa première saison, The Bear est sortie de sa coquille pour se permettre plus de risques. En reprenant le restaurant à la dérive de son frère, Carmy devenait ce jeune prodige catapulté en même temps que le spectateur dans un univers à réordonner. Une fois cette introduction faite au sein de ce chaos à démolir et rebooter, la saison 2 a pris la forme d’une course contre la montre pour l’ouverture du nouveau restaurant.
Malgré cette progression logique, Christopher Storer s’est amusé à exploiter le médium sériel à son plein potentiel, notamment lors de pauses brutales (et nécessaires) du récit aux côtés de certains protagonistes, sous la forme d’épisodes suspendus d’une douceur salvatrice. Pour tous ceux qui ont apprécié cette évolution, la saison 3 de The Bear ne pourra que convaincre, tant elle amplifie cette mue.
Sorti du frigo dans lequel il s‘était retrouvé enfermé, Carmy s’est mis à dos une bonne partie de son équipe, en plus d’avoir été quitté par sa petite amie Claire. Le plan est limpide : cette saison sera la saison de la solitude, du va-et-vient permanent et toxique avec un é traumatique qui empêche d’aller de l’avant. Si l’objectif de base est atteint (ouvrir le restaurant), le chef s’accroche à l’illusion d’une perfection impossible à tenir, et qui va définir une structure narrative portée sur les limites de la stagnation.
Aux États-Unis, où cette troisième fournée a été rendue disponible dès le mois de juin, une bonne partie de la critique s’est montrée déçue par cette direction, regrettant le manque de progression de l’intrigue. Il est vrai que la démarche peut surprendre après les comptes à rebours tendus des deux premiers chapitres, mais cette décélération se révèle d’une part envoûtante, et d’autre part en accord avec l’état mental de personnages toujours plus touchants dans leurs fêlures.

Une saison qui traîne des casseroles ?
Il faut dire que cette saison 3 a le mérite de mettre les pieds dans le plat (sans mauvais jeu de mots) avec son premier épisode, peut-être l’un des plus beaux de la série jusqu’alors. Profitant de la crise qui a conclu l’ouverture du restaurant, Storer plonge dans les pensées de Carmy (Jeremy Allan White), Sydney (Ayo Edebiri), Richie (Ebon Moss-Bachrach) et de leurs compagnons à la manière d’une longue balade malickienne, montage quasi-muet ponctué par les notes de piano envoûtantes et l’électro mélancolique de Nine Inch Nails (le morceau s’appelle Together).
Par ces bribes impressionnistes plus texturées que jamais, The Bear sublime autant son amour de la cuisine que l’échappatoire qu’elle représente pour ses protagonistes en quête de sens et de but. A plusieurs reprises, les épisodes font répéter dans la bouche de certains chefs à quel point ce sont les gens qui importent, et le fait de les accompagner au travers de la nourriture dans des moments heureux, parfois majeurs de leur existence.
Un héritage, voilà ce que vise la troupe désœuvrée de Carmy, malgré un monde qui ne cesse de s’écrouler autour d’eux (Marcus a perdu sa mère, l’économie de l’agriculture et de la restauration est au plus bas) ou au contraire de se construire dans un futur incertain (la grossesse de Sugar arrive à terme). Face à cet avenir tétanisant, il n’est pas étonnant de voir les personnages se perdre et se complaire dans les traumatismes du é, ressassés dans une ritournelle finalement introduite par la rythmique du premier épisode.

La saison 3 de The Bear peut sembler frustrante, mais c’est bien cette frustration que Christopher Storer capte. Les enjeux ne peuvent pas se renouveler, puisque Carmy est en proie à ses élans dépressifs, qui emmènent tout ce qu’il touche vers le fond. Il a beau chercher désespérément à aller mieux, il fait de sa cuisine le palliatif de sa condition, plutôt que le remède. Dans cette pause forcée, tout le monde se retrouve paralysé. Si les premiers épisodes introduisent bien vite des tournants fondamentaux (Sydney doit signer un contrat qui la lie au restaurant, Oncle Jimmy voit l’argent fondre comme neige au soleil…), personne n’est capable de prendre de décision.
C’est pourquoi cette troisième saison est contrainte de forcer le changement. Le temps file, et certains acquis disparaissent, quitte à laisser un vide énorme (le dernier épisode est en cela bien moins mineur qu’il le laisse supposer). Comme si la série jouait à pervertir les bases de l’écriture de son médium, tourné vers la répétition et la permanence, The Bear ne cesse de surprendre, et de nous rappeler l’impermanence de la vie, y compris lorsqu’elle semble nous plonger dans une ime ou dans une boucle.

À partir de là, on ne peut que s’émouvoir face à la sobriété de ses champs-contrechamp, qui replacent le dialogue et ses performances d’acteur au cœur de sa réussite. De la même manière que la saison 2, c’est dans ses apartés en dehors de la cuisine que la création de Christopher Storer trouve ses plus beaux instants. On retiendra particulièrement ce flashback réalisé avec soin par Ayo Edebiri sur le é de Tina (Liza Colon-Zayas), elle aussi en quête de sens après avoir perdu son emploi.
Autant dire que cette saison est loin de ne “rien” raconter. Elle choisit juste d’hypnotiser autrement, de revenir sur ses acquis pour repartir de plus belle. C’est toujours dans ces petits moments, dans ces scènes du quotidien touchées par la grâce à la manière d’un poème de Francis Ponge, que The Bear s’impose comme l’une des meilleures séries de ces dernières années. Certains commencent à se lasser de la formule. De notre côté, on pourrait continuer de suivre ses personnages jusqu’à la fin des temps.
La saison 3 de The Bear est disponible en intégralité depuis le 17 juillet sur Disney+ en .

Neuf épisodes… et il ne se sera rien é entre le générique du début du premier épisode et celui de fin du huitième épisode.
Au neuvième épisode ? Ça jacte autour d’une table au cours d’un repas de gala de fermeture.
Pour une saison entière… dire que c’est frustrant est un euphémisme.
Aucun des personnages n’en ressortira changé entre l’entame et le dénouement… qu’il n’y aura d’ailleurs pas.
Cette saison doit certainement être un exercice de style fabuleux avec un point précis par épisodes… le montage, la direction d’acteurs, la photographie, la narration, etc… et probablement fascinant pour un élève en école de cinéma mais d’un ennui mortel pour un téléspectateur.
Impatient de m’y mettre
Le premier épisode de la saison 3 est une claque visuelle.
Très bonne saison, j’adore aussi les très bons choix musicaux, épisode par épisode.
Comme Nine Inch Nails, Radiohead, les Rolling Stones, les Beasties, REM, les Smashing Pumpkins, etc.
Cette saison 3 et juste une pièce d »orphèvrerie. J’aime cette série depuis sa saison 1 et chaque saison est un ensemble de morceaux de bravoure. Scénario, mise en scène, jeux d’acteurs, tout est maîtrisé. C’est juste beau de voir qu’il existe encore la possibilité au milieu de cet océan de médiocrité cynique, des artistes sans concession. The Bear est sans concession.
The Bear n’est pas une série de food porn, la cuisine n’est qu’un contexte dans lequel les personnages évoluent. The Bear c’est une histoire de traumas.
Dans cette saison 3 il y a des séquences entières montrant les gens, des vrais pas des acteurs, travaillant. C’est très rare de voir de vraies personnes en train de travailler dans les oeuvres de fiction. Sans le filtre romantique que la bourgeoisie applique toujours au travail. Non, ce sont des images documentaires mais filmées comme une fiction. C’est très intéressant.
Chaque épisode de cette saison est un prototype de mise en scène.
Non, vraiment cette saison 3 est encore meilleure que les deux précédentes.