Grand film d’horreur, documentaire féministe, ou les deux ? Presque soixante ans après sa sortie, le Polanski continue de jouer sur les deux tableaux.
Lorsqu’en 2020, le Promising Young Women d’Emerald Fennell investit les écrans, la presse internationale accorde plus ou moins ses violons pour en louer la radicalité et l'aplomb, mais surtout, souligner l’application avec lequel la réalisatrice s’est attachée à condamner misogynie systémique et culture du viol. Plus qu’une expérience cathartique pour le public féminin, le caractère résolument subversif du récit a permis, en dépit de ses imperfections, de rappeler la pertinence de son sujet.
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Après tout, l’amalgame entre le monstrueux et le masculin n’en est point à son coup d’essai ; et si l’horreur n’a pas manqué d’en cultiver les multiples nuances par le é, peut-être n’y a-t-il jamais eu d’oeuvre plus viscérale, plus paradoxale, plus concrète à s'en être nourri que le Répulsion de Polanski en 1966. Premier volet de son officieuse trilogie de l’appartement (laquelle se poursuit en 1968 avec Rosemary’s Baby, puis s’achève avec Le Locataire en 1976), le film dépeint les hommes comme autant de loups dans la bergerie.

Repulsed Young Woman
Alors qu’il s’attèle à la préparation de son tournage en 1964, Roman Polanski confie aux caméras de Grand Écran « Il y a un certain pourcentage d’épouvante dans le film, mais ce n’est pas un film d’épouvante proprement dit ». Si la déclaration ambitionne principalement de mettre en exergue l’impératif d'une « facture réaliste », il est plus largement possible d’y déceler l’ébauche d’une note d’intention involontaire.
C’est que bien avant d’aboutir à un récit de genre dénonçant les dérives et répercussions du patriarcat, Polanski et son coscénariste Gérard Brach aspiraient à « raconter une histoire sur une fille qui est folle et dont l’entourage ne réalise pas la folie ». Son inclinaison à susciter l’angoisse par la folie conduira cependant le cinéaste à subordonner l’ensemble de son intrigue à la perception de sa protagoniste névrosée — ce qui, par extension, lui impose de retranscrire une expérience du monde à travers le prisme féminin.

Tout l’intérêt horrifique de Répulsion reposant sur l’exploitation d’un point de vue spécifique, le cinéaste choisit d’ouvrir son film en braquant l’objectif de sa caméra à quelques centimètres de l’œil droit de Catherine Deneuve, laquelle se doit de le garder grand ouvert pendant toute la durée du plan (soit une minute quarante). De cette introduction singulière, le spectateur est ainsi amené à adopter le regard de Carol, une jeune femme immédiatement caractérisée par son profond dégoût du genre masculin.
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« documentaire féministe » … par un violeur pédophile, c’est quand même un peu fort désolé…
Je ne nie pas le droit à aimer et partager ses films. Mais peut être quand même faire attention à certaines limites. Prochain article : XX de Noir Désire, hymne à la libération de la femme ?
(en plus en plein procès Mazan, je trouve qu’il y a des moments où devrait être encore plus inciter à réfléchir à ses mots).