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Roméo + Juliette : Leonardo DiCaprio, drogue et violence dans la meilleure adaptation de Shakespeare

Par Chloé Chahnamian
17 octobre 2023
MAJ : 18 mai 2024
Roméo + Juliette : Leonardo DiCaprio, drogue et violence dans la meilleure adaptation de Shakespeare

Shakespeare.

Si Baz Luhrmann ne fait pas toujours l'unanimité, c'est tout de même à lui qu'on doit le Roméo de Leonardo DiCaprio la clope au bec et en chemise hawaïenne, et rien que pour ça, on devrait le remercier. Cinéaste de la scène, de l'excès et des paillettes, comme il l'a si bien montré avec Elvis, son dernier long-métrage consacré au roi de la démesure en personne, Baz Luhrmann a prouvé en 1996 que l'oeuvre de William Shakespeare se conjuguait très bien au présent.

Avec Roméo + Juliette, Baz Luhrmann réalise son deuxième film, et le deuxième volet de sa "Trilogie du rideau rouge" aussi composée de Ballroom Dancing (1992) et de Moulin Rouge (2001). À première vue, Roméo et Juliette de William Shakespeare, ce classique de la littérature anglaise, est diamétralement opposé à la patte excentrique et camp de Baz Luhrmann, qui développe son style si particulier depuis son premier long-métrage. Et pourtant, ça fonctionne, le cinéaste arrive à faire cohabiter ces deux univers si différents sur le papier. Disons-le, avouons-le, jamais personne n'a aussi bien adapté Shakespeare au cinéma, du moins avec autant d'audace.

 

Roméo + Juliette : photoLes gangsters de Shakespeare

 

Shakespeare, mot pour mot

Quand on pense au Roméo + Juliette de Baz Luhrmann, on voit Leonardo DiCaprio tenir un pistolet, et les Capulet et Montaigu s'affronter dans un décor très éloigné de la ville de Vérone dépeinte par William Shakespeare dans sa pièce de théâtre parue en 1597, l'une de ses toutes premières oeuvres. On pourrait donc croire que le cinéaste australien a dénaturé la pièce originale, ainsi vidée de sa substance pour raconter une histoire plus moderne. Après tout, on est à mille lieues des adaptations cinématographiques plus conventionnelles de la pièce, comme le Roméo et Juliette de Franco Zeffirelli sorti en 1968 et qui a remporté deux Oscars.

Roméo + Juliette est pourtant une adaptation des plus fidèles à l'oeuvre originale. Contrairement à la comédie musicale West Side Story, et au film qui en a été adapté, le long-métrage de Luhrmann ne reprend pas les grands thèmes de la tragédie de Shakespeare pour la transposer dans un contexte actuel. En fait, il l'adapte mot pour mot. Ce n’est pas pour rien que le réalisateur appelle son film William Shakespeare's Romeo + Juliet, comme Coppola l'a fait avec Dracula.

 

Roméo + Juliette : Photo Claire Danes"Roméo ! Pourquoi es-tu Roméo ?"

 

Suivre le film tout en lisant la pièce de théâtre est parfaitement possible (testé et approuvé). Rares sont les dialogues qui ont été modifiés, la plupart sont transposés à l'identique. Si certains ages ont certes été coupés, Leonardo DiCaprio débite des tirades entières de Roméo Montaigu. On retrouve même les interventions du chœur, incarné au début du film par une journaliste de télévision qui raconte le dernier fait divers qui a opposé les deux familles rivales.

Comme la langue anglaise du XVIe siècle, on remarque que la structure narrative de la tragédie de Shakespeare a aussi été respectée, hormis quelques minimes exceptions au montage. Malgré cette fidélité, on note bien évidemment de grandes différences entre les deux oeuvres. Une différence notable parmi beaucoup d'autres : Juliette ne se fait pas exploser la cervelle dans la pièce de théâtre.

 

Roméo + Juliette : Photo Harold Perrineau, Leonardo DiCaprioMercutio et Roméo quand ils ne parlent pas de Rosaline

 

Dénaturer versus moderniser

Dès son ouverture, Roméo + Juliette nous transporte dans les années 90 et il n'y a aucun doute là-dessus. La transposition moderne est annoncée avec ce reportage inaugural qui projette la tragédie de Shakespeare à Verona Beach, contraction de Vérone et Venice Beach, un quartier dangereux de Los Angeles où deux gangs rivaux se font la guerre, les Capulet et les Montaigu.

Mais la pièce de théâtre raconte aussi la violence des affrontements entre les deux familles rivales. L'acte I scène 1 s'ouvre un combat violent entre les serviteurs des deux familles bientôt rets par Benvolio et Tybalt, les cousins de Roméo et Juliette, puis par d'autres habitants de Vérone. Le Prince, protagoniste qui met fin à cette bagarre générale, est en fait le chef de la police dans le film de Baz Luhrmann. Il arrive à stopper Tybalt et Benvolio en criant dans son mégaphone perché dans un hélicoptère.

 

Roméo + Juliette : Photo Vondie Curtis-HallLe Prince Escalus de Vérone

 

Baz Luhrmann et son coscénariste Craig Pearce ont conservé le personnage du Prince, en le transformant un peu, mais son rôle dans le film reste le même. Il en est de même pour le chœur, cet ensemble tout droit issu de la tragédie grecque, qui garde ici sa place tout en évitant l'anachronisme. Qui de mieux placée qu'une journaliste d'un journal télévisé pour commenter les faits et gestes des personnages principaux ?

Malgré quelques changements (le personnage de Paris est presque évincé, Juliette et Roméo échangent leur dernier baiser alors qu'ils sont tous les deux conscients), Roméo + Juliette conserve le cœur de la pièce. Ses grands thèmes, la violence, la ion, la vengeance, l'amour impossible sont bien présents, même si oui, les épées ont été remplacées par des pistolets modernes. En adaptant la pièce de Shakespeare de la sorte, Baz Luhrmann en a révélé l'universalité. Peu importe l'époque et le lieu, l'histoire des amants maudits sera toujours aussi tragique.

 

Roméo + Juliette : Photo John LeguizamoQuand t'as à 18h, mais que tu sors le soir

 

Baz Luhrmann, un héritier de Shakespeare 

Quelle autre œuvre Baz Luhrmann aurait pu adapter pour sa "Trilogie du rideau rouge" que ce modèle de tragédie ? Le style du cinéaste, exubérant, clinquant et parfois même très fabriqué, dramatique, va finalement de pair avec la tragédie de Shakespeare. Roméo et Juliette sont tout de même prêts à mourir l'un pour l'autre alors qu'ils se connaissent depuis moins d'une semaine. Si ça, ce n'est pas excessif...

Baz Luhrmann incorpore son style à la tragédie shakespearienne en conservant toute sa dramaturgie. Il n'a pas aseptisé l'oeuvre originale pour la moderniser. L'adaptation moderne peut évidemment surprendre ou déranger. Après tout, il n'est pas naturel de voir des personnages des années 90 réciter des vers du XVIe siècle. Mais il n'est pas question pour le cinéaste de faire du théâtre filmé pour autant. À part le Père Lawrence (joué par Pete Postlethwaite, é par célèbre troupe de théâtre de la Royal Shakespeare Company) qui respecte le pentamètre iambique si caractéristique de Shakespeare dans sa récitation, les autres personnages débitent leurs dialogues comme il est d'usage de parler au XXe siècle.

 

Roméo + Juliette : Photo Pete PostlethwaiteLe catéchisme pour les cools

 

Adolescent dans les années 90, Roméo n'aurait-il pas pris un petit cachet pour tripper à la fête des Capulet ? Baz Luhrmann projette le récit dans le présent et l'adapte en conséquence. Jukebox ambulant, le cinéaste modernise aussi l'oeuvre de Shakespeare avec la musique du film, pop-rock, qui transpire les 90's. Le titre Exit Music (For a Film) de Radiohead a d'ailleurs été écrit spécialement pour Roméo + Juliette.

Si Luhrmann n’opte pas pour une mise en scène inspirée du théâtre, le motif de la théâtralité est tout de même omniprésent. Mercutio, l'ami de Roméo, meurt hors champ dans la pièce de théâtre, mais le cinéaste décide de montrer sa mort en plein cadre, et la rend donc spectaculaire. À l'arrière-plan, on aperçoit les ruines d'un théâtre. Verona Beach est un théâtre à ciel ouvert, le théâtre de Baz Luhrmann.

 

Roméo + Juliette : Photo Harold PerrineauMoulin Rouge!

 

Baz Luhrmann ne s'est pas refréné, n'a pas adouci son exubérance face à cet immense classique de la littérature. Imagerie catholique, ton parfois ironique, transitions cartoonesques : le cinéaste a touché au Saint-Graal, mais ne l'a pas dépossédé de son sens. En adaptant Roméo et Juliette dans ce contexte moderne, Baz Luhrmann a sûrement réalisé l’une des meilleures adaptations de Shakespeare. Pas une copie sans saveur, une adaptation inspirée et possédée. Transposer la pièce de théâtre dans les années 90 à Miami ne fait que réaffirmer l’universalité de l'œuvre du dramaturge.

Cinq ans plus tard, le cinéaste poussera le kitsch, le burlesque, et son style à l'excès avec son film musical jukebox Moulin Rouge!, théâtral au possible et donc Baz Luhrmann au possible.

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Didier D
Didier D
il y a 1 année

Mon film préféré de Baz Luhrmann, pour cette adaptation audacieuse de shakespeare, avec Moulin Rouge …
La B.O. du film inoubliable.

Linkdu40
Linkdu40
il y a 1 année

Meilleur adaptation non…mais tout de même très audacieuse et sympathique…oui et pour faire connaître Shakespeare …Claire Danes en Juliette est très bof pour moi la meilleure adaptation bien qu elle soit très classique et qu elle ai malheureusement vieilli est celle de Zeffirelli où la Juliette de Olivia Hussey fait beaucoup plus naturel et mâture que Claire Danes et où on ressent la timidité et la candeur du jeune Roméo interprètez par Léonard Withing…en fait Roméo + Juliette ne fais pas naturel la scène où Roméo et Juliette meurt ne me fais pas pleurez contrairement au version de Hussey et Withing …et meme celle avec Haylee stenfield et Douglas booth est mieux mis en scène et parvient à me faire pleurez….en fait la seule scène chez le Roméo +Baz Lurhman qui me fais pleurez c est celle de Mercutio ce qui est un comble car dans la pièce de théâtre la scène est justement exagérez pour faire croire au spectateurs que Mercutio rigole et joue la comédie ce qui est très bien restitué chez Franco Zeffirelli …ce n est que quand il s effondre que Roméo prends conscience que Mercutio est mort donc en fait Baz lurhman à au delà même changer la fonction de Mercutio pour en faire une figure messianique mais mis à part ça ..c’est un bon film mais pas la meilleure interprétation de la pièce

Castor
Castor
il y a 1 année

Pour moi, la meilleure adaptation de Shakespeare reste Hamlet de Kenneth Branagh en version longue. Un film totalement épique !

Azard
Azard
il y a 1 année

Un bijou et effectivement sans aucun doute la meilleure adaptation de Shakespeare et le meilleur film de son auteur… j’affectionne aussi b Moulin Rouge…. ses autres films beaucoup moins.

Eddie Felson
Eddie Felson
il y a 1 année

@Ethan sortie de route XXXL comme d’hab’ …. du grand art malgré vous;)

m@x
m@x
il y a 1 année

sacré@Ethan… tu pouvais pas etre plus HS

Waito
Waito
il y a 1 année

« …dans la meilleure adaptation de Shakespeare »
Dès le titre, non.

Morcar
Morcar
il y a 1 année

Et l’Oscar du meilleur hors-sujet est attribué à…. @Ethan !!!!!

Ethan
Ethan
il y a 1 année

Le Leonardo dicaprio des années 90 était bien plus intéressant au niveau de ses rôles et de sa personnalité. Jouer dans dls films de Martin Scorsesse c’est bien mais à la longue c’est toujours pareil. Et jouer un rôle d’ambassadeur de l’onu pour consommer des voitures électriques c’est pas sérieux.

Faut il rappeler que les composants métaux de ses voitures sont rares et coûte cher à exploiter et impact l’environnement de populations, en Bolivie et en Afrique, impact la sécurité de petites mains prenant des risques inconsidérés pour gagner quelques sous ?

La voiture électrique est en train de détruire l’industrie auto française à l’inverse de l’industrie allemande qui est elle préserve la filière moteur essence et diesel.

Et monsieur dicaprio ne s’exprime pas sur l’impact écologique de la mondialisation. Le vrai problème environnemental est de produire loin !

Je m’éloigne du sujet mais dicaprio m’énerve avec sa pub de la fiat 500

JF
JF
il y a 1 année

Alors, absolument pas d’accord du tout, Richard III on en parle ? Je prends cet exemple car il a été fait un an avant.