Un Poisson nommé Wanda est un classique de la comédie anglaise et la preuve que l’humour est un art avec lequel on ne rigole pas.
Au milieu des années 80, les Beatles de l'humour, les Monty Python, se séparent dans la bonne entente alors que chacun prend des routes artistiques différentes. Toutefois, ils se croisent encore de temps à autre sur des projets communs, à l'instar de Jamie Lee Curtis, dont la carrière l'a déjà installée comme Scream Queen et sex-symbol. Elle va confirmer avec ce film son talent pour décrocher des rires.
Et si Un Poisson Nommé Wanda s'impose comme une pépite dans son genre, c'est parce qu'il est la preuve que l’humour est un art avec lequel on ne rigole pas. En effet, en plus d'être un métrage aussi exigeant dans ses mécaniques pour muscler les zygomatiques des spectateurs qu'une montre suisse pour donner l'heure, il doit trouver le point d'équilibre entre contrôle et anarchie avec des comédiens aux méthodes radicalement opposées. Mais surtout, ce chef-d'œuvre aimé de tous (sinon vous avez un problème) s'impose comme la confrontation ultime entre le style absurde des Monty Python et l’humour au pays de l'Oncle Sam.
Kevin Kline lisant Ecran Large
l'humour élevé au rang d'art
Un Poisson Nommé Wanda met en scène un braquage dont on se fiche un peu, puisque le récit se concentre sur le sens du (non) travail en équipe des braqueurs en possession du magot. Aussi, il a fallu six ans à l’humoriste pour écrire Un Poisson Nommé Wanda. Six ans où il a travaillé ce scénario diablement efficace comme un plan de cambriolage de haut vol où chaque élément installé profite du maximum de son effet comique au meilleur moment.
L'exemple le plus parlant est le bégaiement de Ken (Michael Palin). Bien que l'handicap soit dévoilé dès le début, il sert d'abord comme sujet de moquerie de la part d’Otto (Kevin Kline). Mais ce souci d’élocution n’est réellement utilisé pour faire rire qu’à la fin. En effet, lorsque le coincé Archie (John Cleese) doit impérativement retrouver celle qu'il aime, Wanda (Jamie Lee Curtis), seul Ken détient cette information qu'il n'arrive pas à prononcer. C'est là que le gag déploie durant une unique scène toute sa force, pour une explosion de rires totale chez le spectateur.
En gardant de la sorte cet élément humoristique sous nos yeux, John Cleese en décuple ainsi la portée comique comme un fusil de Tchekhov du rire. D’ailleurs, la scène possède une version longue, jubilatoire pour tout fan des Monty Python – Ken écrivant avec son sang le nom de l’aéroport –, mais celle-ci était trop dans le style du groupe de trublions de la BBC, et fut donc raccourcie.
Une bombe à retardement nourrissant des poissons
Et autant que dans tous les autres genres cinématographiques, la réalisation a son importance dans une comédie. Un Poisson Nommé Wanda bénéficie justement d’une mise en scène précise, grâce à Charles Crichton. Le cinéaste, dont Un Poisson Nommé Wanda sera la dernière contribution au Septième Art avant qu'il ne se retire pour pêcher en Écosse (ça ne s'invente pas), a éprouvé son style au sein des Ealing Studios – productrice de nombreuses comédies d’après-guerre. BBC News rappelait une citation évocatrice de l'exigence du réalisateur dans un article le lendemain de son décès en 1999 :
"Les gens pensent que si vous réalisez une comédie vous devez être drôle. Au contraire, vous devez être sérieux."
Crichton a donc apporté toute son expérience en posant une caméra aussi fluide que millimétrée. Pour illustrer les duperies au cœur d’Un Poisson Nommé Wanda, les plans vont se construire sur plusieurs niveaux de profondeur, entre ce que le protagoniste voit et ce qui lui échappe. Par exemple, lorsque Wanda veut assommer Otto pour prendre le pactole dans le coffre. Ou quand un mouvement de caméra va accompagner les corps des acteurs pour ensuite créer un cadre propice à un gag, comme la scène de baiser entre Archie et Wanda qui révèle un Otto espion en arrière-plan.
Enfin, impossible de ne pas évoquer ce age des plus théâtraux au demeurant lorsqu’Otto, Archie, Wendy et Wanda font une scène de ménage croisée à un cache-cache dans un enchaînement de hors-champs s'amusant brillamment avec le mobilier et la spatialité du salon de l'avocat.
Le Bon, la Brute et la Truande
Ciel, mes diamants !
Sous ses airs d'histoire de casse, Un Poisson Nommé Wanda s'avère être un vaudeville, ces comédies sur l'adultère en vogue au théâtre à la fin du XIXe siècle. Ainsi, les archétypes de personnages induits par ces deux genres sont représentés devant l'objectif de Charles Crichton. On a donc la femme fatale avec Wanda Gershwitz, le mari tenté par une amante avec Archie Leach, l’épouse trompée avec Wendy Leach, la brute doublée du second amant avec Otto West, le braqueur avec Ken et le cerveau avec George Thomason. Le tout forme un enchaînement de comique de situation où chacun se tire dans le dos que ce soit pour des affaires de coucherie ou de diamants.
En plus de ça, John Cleese a tenu à mettre en scène la chamaillerie légendaire entre les Anglais et les Américains. Car si Français et Anglais partagent une animosité historique, les sujets du Roi Charles III sont en bisbille avec leurs cousins du Nouveau Monde depuis aussi longtemps. Ainsi, faire se confronter les deux humours donne à Un Poisson Nommé Wanda l'allure d'un ring de boxe d’hilarité.
La subtilité de l'humour d'outre-Manche
Visuellement, cette confrontation s’incarne dans la gestuelle hyperactive et impulsive de Kevin Kline, un style d’humour plus en vogue outre-Atlantique, en opposition à la posture guindée de l'excellent John Cleese en caricature du bourgeois anglais – parodie dans laquelle le comédien est rang maître. À ça s’ajoute l'absurdité des Monty Python, dont l’aventure de Ken pour tuer la vieille dame aux chiens est la plus parfaite expression. Ce récit parallèle prend en effet la forme d’un long sketch quasi muet dans le pur esprit de la célèbre bande d’humoristes.
Ce mélange dangereux va même ca la mort par fou rire d’un spectateur durant une séance du film – en réalité, le monsieur n'était pas avantagé par un cœur fragile. Le drame va aider plus encore Un Poisson Nommé Wanda à être culte en devenant la seule comédie à avoir tué de rire. Et l’ironie noire va plus loin puisque les Monty Python ont parmi leurs sketchs les plus fameux Funniest Joke in the World, court-métrage sur une blague mortelle.
John Cleese, comme un poisson dans l'eau
monty poisson
Puisque Charles Crichton n’est pas un ionné de la direction de comédien, c’est John Cleese qui récupère le travail. La tâche ravit l’ex-Monty Python puisqu'il va tirer le meilleur de chaque membre du casting en les mettant dans les meilleures conditions pour briller. Il doit néanmoins faire avec la difficulté de compiler différentes approches de l’acting. En effet, John Cleese fait preuve d’une extrême rigueur dans sa façon de jouer. Ce qu’explique Jamie Lee Curtis dans le making of du film :
"Tout ce qu’a fait John Cleese est travaillé jusqu’au plus absolu du moindre de ses mouvements physiques."
À l’inverse, Kevin Kline est très versatile, puisqu’il est capable de proposer un jeu tout autre d’une prise à l’autre, même s’il y en a une dizaine. Pour en rajouter une couche, Kline – récompensé d’un Oscar pour le rôle – improvise constamment. La scène où il drague Ken, l’énonciation de son nom d’agent de la CIA à Wendy, l'enfonçage de poire dans le gosier de Ken sont toutes des situations non prévues dans le scénario et imaginées sur l'instant par l’acteur. Pour Vanity Fair en 2018, John Cleese revenait sur la performance de Kevin Kline :
"Kevin [Kline] faisait des choses vraiment extraordinaires. Mais à la fin de chaque prise, il restait toujours là, la quintessence de l’indécision, essayant de déterminer s’il avait bien cerné le personnage. Je ne pense pas qu’il n’ait jamais fait une prise dont il était vraiment content. Il y avait toujours une sorte d’expression grognon et douteuse sur son visage. Il restait là à agoniser. Et on a juste fini par s’y habituer."
Aussi, entre la méthode de Cleese et celle de Kline, il y a littéralement un fossé que le directeur de comédiens n’a pas cherché à boucher. Bien au contraire, John Cleese a poussé chacun des membres du casting à être force de proposition, écoutant jusqu’aux techniciens sur le plateau. De la sorte, rien n’était figé dans le marbre (sauf la posture coincée de Cleese). Et cette écoute a commencé dès l’écriture puisqu’après avoir veillé à construire une histoire solide, John Cleese a développé chaque personnage avec l’aide de son interprète. Tout ça dans le but d’obtenir plus d’authenticité vis-à-vis du style de chacun. Avec ça, les acteurs ont corrigé si nécessaire certaines scènes lors du tournage.
Jamie Lee Curtis a notamment grandement aidé à faire de son personnage plus qu’une femme glaciale entachant l’humour de l’ensemble – la scène de nu de John Cleese est son idée, ainsi que le ton sur lequel elle dit ses quatre vérités à Otto après qu'il ait suspendu Archie à une fenêtre. C’est aussi elle qui a dirigé les scènes d’émotion avec l'interprète de l'avocat bien anglais, puisqu’elle était plus habituée à l'exercice que son collègue du Royaume-Uni.
Un Poisson Nommé Wanda rencontre le succès dès sa sortie, autant public avec un box-office mondial de 188 millions de dollars (pour 7,5 millions de budget), qu’une reconnaissance critique. En effet, outre l’Oscar du meilleur second rôle pour Kevin Kline, le film est aussi nommé pour la statuette du meilleur réalisateur et du meilleur scénario. Du côté des British Academy Film Awards, ils vont récompenser les deux comédiens locaux (peut-être pour continuer la rivalité du film), John Cleese pour le meilleur acteur dans un rôle principal et Michael Palin pour celui de meilleur acteur dans un rôle secondaire.
Aussi, après le braquage parfait qu'a été Un Poisson Nommé Wanda, John Cleese, Jamie Lee Curtis, Kevin Kline et Michael Palin ont voulu retenter le coup avec une suite indirecte neuf ans plus tard, Créatures Féroces de Robert Young et Fred Schepisi. Si le casting est le même, l’intrigue n’a rien à voir avec le précédent métrage puisque les comédiens jouent des rôles différents. Mais l’essai n’est pas transformé et ce retour du quatuor s’avère être une mauvaise idée que regrette désormais John Cleese.
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J’ai vu ce film au cinéma alors que j’avais la mâchoire cassée et tenue par des élastiques et crochets. Grave erreur. Tous mes élastiques ont sauté et j’ai du retourner voir le chirurgien.
Des films qui font rire il n’y en a pas beaucoup et il faut les choyer, celui-là est un doudou de compet’
super film, mais j’ai toujours préféré l’autre film du groupe, créatures féroces
Il faudrait être débile pour ne pas aimer ce classique et se bidonner devant!
Oups, pardon, ne jamais traiter de débile qui que ce soit surtout devant Kevin Kline.
Ah oui ce film était une sacrée tuerie !!! Un must
Ah je me le remets ce soir !! Ca fait trop longtemps
La oui pour moi on peut dire culte…