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The Last of Us saison 2 : les 3 problèmes de la série, qui l’empêchent d’être entièrement réussie

Par Geoffrey Crété et Mathieu Jaborska
1 juin 2025
© HBO Naughty Dog

Oui, Ecran Large a aimé la saison 2 de The Last of Us, avec des critiques très positives au fil des épisodes. Mais comme avec la saison 1, il y aussi des doutes et des débats dans l’équipe.

En 2023, c’était la même chose. Semaine après semaine, l’équipe d’Ecran Large s’était ée le relais pour publier les critiques des épisodes, globalement (très) positives. Et à la fin, on avait pris le temps de respirer, faire un pas en arrière, rediscuter et mettre à plat quelques interrogations et frustrations.

En 2025, rebelote. La saison 2 de The Last of Us a beau avoir réglé quelques « problèmes », comme le manque d’infectés, il y a encore beaucoup à dire sur cette première partie qui adapte le génial jeu vidéo The Last of Us : Part II. On revient donc sur trois points qui soulèvent encore quelques questions dans l’équipe.

1. LE PROBLÈME ABBY

Pourquoi ? Pourquoi avoir ouvert la saison 2 en établissant d’emblée l’identité et les motivations d’Abby ? Pourquoi avoir fait le contraire du jeu The Last of Us : Part II, où elle était d’abord présentée comme un nouveau personnage mystérieux, avant de faire basculer le récit en prenant tout le monde (Joel et nous) de court ?

Oui oui, on sait : adapter, c’est transformer et trahir. Les créateurs de la série, Craig Mazin et Neil Druckmann, ont expliqué qu’ils avaient choisi de tout déballer sur Abby dès le départ afin de créer rapidement une connexion émotionnelle. Ce que l’actrice Kaitlyn Dever avait confirmé chez Deadline :

« Le temps dont on aurait besoin pour arriver à l’essentiel d’Abby et pourquoi elle a tant de rage… ça prendrait tellement de saisons pour en arriver là. Je pense que c’est très important pour les spectateurs de voir ce côté d’elle avant d’avancer. On la découvre à un moment très dur, et vulnérable. Je pense que ça l’humanise un peu plus que dans le jeu, et je pense que c’est important. »

Kaitlyn Dever the last of us
Abby au bout de 30 secondes dans la saison 2

Certes, il n’y a que sept épisodes dans la saison 2. Mais sept secondes suffisent pour imaginer une version alternative de cette saison 2 : le premier épisode se termine sur l’apparition menaçante d’Abby et son groupe dans la montagne, sans la moindre information ; le deuxième montre qu’elle cherche obstinément quelque chose ou quelqu’un dans les parages ; et à la fin, quand Joel arrive au chalet, elle lui explose les jambes et la vérité apparaît. Exactement comme dans le jeu, très simple à adapter sur cette partie.

Il ne s’agit pas de hurler au scandale face au moindre changement, d’autant que la série a déjà largement prouvé que certaines modifications étaient astucieuses, voire excellentes. Mais ici, c’est un choix très fort et une approche diamétralement opposée, qui change toute la perception de l’histoire et du personnage. On e de la surprise totale (ce personnage qu’on apprenait à aimer se retourne contre Joel, donc contre nous-mêmes) au simple suspense (ce personnage arrive pour se venger, et on a une longueur d’avance sur Joel et les autres).

the last of us saison 2 kaitlyn dever
Abby au bout de 2 épisodes dans la saison 2

Les créateurs de la série craignaient-ils de trop secouer ou perturber le public ? Était-ce plus simple et confortable de les préparer au massacre avec un effet d’annonce dès les premières minutes de la saison 2 ? Avaient-ils peur que tout le monde déteste trop violemment Abby alors que la saison 3 lui sera dédiée ? C’est peut-être ça le vrai sujet ici : le jeu est un marathon où on contrôle le récit, alors que la série impose sa cadence. Et il faut être un minimum stratège.

Presque deux années se sont écoulées entre la fin de la saison 1 et le début de la saison 2. S’il faut attendre aussi longtemps pour la saison 3, il fallait donner au public des raisons de revenir. Et donc, de vouloir découvrir l’histoire d’Abby. L’équipe de la série avait-elle peur de perdre une partie des spectateurs si le personnage avait été simplement présenté comme « la méchante », comme dans la première partie du jeu The Last of Us : Part II, où elle n’explique même pas ses raisons à Joel au moment de le tuer ?

the last of us saison 2 kaitlyn dever
Abby prête à être aimée dans la saison 3

Ça expliquerait pourquoi la saison 2 insiste autant sur les motivations d’Abby (l’intro du premier épisode, le cauchemar-flashback dans l’hôpital, le monologue avant d’abattre Joel et Ellie qui rappelle que son père chirurgien a été tué). Il fallait absolument et obligatoirement humaniser ce personnage pour ne pas s’aliéner le public qui ne connaît pas les jeux, et qui allait forcément déclarer forfait à l’idée de suivre celle qui a osé tuer Joel. C’est en tout cas ce que l’équipe de la série a pensé, apparemment. Puisque c’est la seule explication qui a vraiment du sens.

« Maintenant ça va chier »

2. LE TEMPS QUI MANQUE

Le personnage d’Ellie est certainement dans le top 3 des sujets qui rendent les gens plus ou moins fous dans les arguments contre la série. Mais c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt : si la saison 2 de The Last of Us a un problème, c’est d’abord dans la gestion du temps qui e, qui écrase le personnage, et qui permet de donner tout le poids nécessaire à sa quête de vengeance.

Beaucoup de gens avaient reproché au jeu The Last of Us : Part II d’être beaucoup trop long et laborieux. C’est peut-être un peu vrai (parole de quelqu’un qui l’aime et l’a refait plusieurs fois déjà), mais c’était un moyen de faire ressentir et subir le temps, et ainsi l’obstination délirante d’Ellie jusqu’à la toute fin. Chaque nouvel objectif à atteindre était une nouvelle zone à explorer, un nouveau champ de bataille à surmonter, et une nouvelle montagne de cadavres à piétiner. Au fil des heures, la rage du personnage prenait une forme très claire à l’écran, avec des affrontements de plus en plus sauvages, sanglants et insensés. Et c’était par l’épreuve du temps, et par la répétition, qu’Ellie se transformait sous nos yeux, et entre nos mains.

bella ramsey the last of us saison 2
Tirer sur la corde

La saison 2 de The Last of Us n’a eu ni le temps ni l’envie d’emprunter cette route. En sept épisodes, il n’y avait qu’une option (facile) : les ellipses, et le récit en pointillé. Quand Ellie et Dina arrivent à la station TV, c’est pour un rapide tour de la salle de torture. Quand Ellie débarque à l’hôpital, elle e direct des hautes herbes à la pièce où se trouve Nora. Quand elle doit pénétrer dans l’aquarium, elle trouve son chemin en deux minutes. C’est une narration classique qui permet de se concentrer sur toutes les étapes majeures de l’histoire. Sauf que ce n’est pas seulement ça qui compte.

Dans le jeu, le personnage d’Ellie s’écrivait aussi dans les vides, les silences, et les instants de solitudes intercalés entre les moments d’action. C’était ça qui permettait de construire sa trajectoire et prouver sa détermination, dans la fatigue voire la frustration. En nettoyant l’histoire pour ne garder que les étapes fortes, la série a pris le risque de vider le récit de sa rage. Et de paradoxalement diminuer l’impact de ces scènes autour desquelles tout a été pensé, avec une construction trop propre et presque artificielle.

the last of us saison 2 bella ramsey
Bella est la bête

Résultat : la saison 2 de The Last of Us semble défiler à toute allure à partir de l’épisode 4. En même temps, c’était une équation impossible. Sur une saison de sept épisodes, trois sont consacrés à l’avant-Seattle, pour amener Ellie sur la route de la vengeance. Autrement dit : le plus gros de son épopée à Seattle est racontée en seulement quatre épisodes.

Comment condenser des heures et des heures de jeu en quatre petites heures de série ? Comment éviter les raccourcis, les facilités et les effets faciles ? Comment rendre crédible cette montée en puissance durant laquelle Ellie perd un peu d’elle-même à chaque nouvelle étape ? La série The Last of Us a essayé, et s’en est sortie avec les honneurs et pas mal de changements malins. Mais c’est presque des détails une fois qu’on arrive à la fin, et qu’on se dit : c’est allé trop vite. Beaucoup trop vite.

bella ramsey the last of us saison 2
Une tempête émotionnelle qui se forme bien vite

3. LE PIÈGE DE L’ADAPTATION

Quel est l’intérêt, au fond, d’une adaptation de The Last of Us, mis à part bien sûr l’essorage d’une des franchises les plus identifiées de la PlayStation ? Le troisième épisode de la saison 1 semblait donner un début de réponse : l’exploration de récits parallèles à peine esquissés dans le jeu. La série bifurquait vers une approche plurielle prolongeant finalement la philosophie de Part 2. Sauf que… non. Le reste de la saison se raccrochait finalement au périple d’Ellie et Joel, récitant très fidèlement la trame originale.

On peut se poser la même question pour cette suite, dont les trahisons ne servent finalement qu’à contourner les défis de l’adaptation et donc coller au plus près du jeu. Aussi touchant que soit l’épisode 6, il a uniquement pour fonction de palier la construction lente et méticuleuse de la relation entre les deux protagonistes, impossible à restituer intégralement dans ce format. Et c’est tout. Émus par cette succession de flashbacks, on est aussi épatés par cette capacité à retrouver les enjeux du titre de 2020, quitte à prendre des chemins de traverse.

the last of us saison 2 bella-ramsey pedro pascal
Petit détour nécessaire

Effectivement, il est impossible de nier que cette saison 2 est ultra-fidèle. Le nouveau chef déco’ Don Macaulnay restitue les environnements du jeu au flocon de neige près, tandis que les directeurs de la photo répliquent avec un soin incroyable l’ambiance générale. Si bien qu’on a presque l’impression de voir des indications de gameplay dans certains arrière-plans, superbes. Un seul objectif, assumé en interview d’ailleurs : reconstituer au format télévisuel l’expérience The Last of Us. Et vu le résultat, c’est très réussi.

Mais au bout du compte, pour qui a joué au jeu, il n’y a rien de nouveau à se mettre sous la dent, sinon le privilège de glisser à son compagnon de binge-watching : « dans le jeu, c’est presque pareil ». Ainsi, la série pose à nouveau une question vieille comme l’art, concernant la plus-value d’une adaptation fidèle. On nous rétorquera, comme souvent, que ça donne l’occasion à un plus large public de découvrir l’œuvre, ce qui est vrai. Mais cette vertu purement ergonomique mérite-t-elle un tel concert de louanges ?

À moins que deux décennies de culte de la nostalgie hollywoodienne ne soient parvenues à convaincre le monde de se satisfaire des mêmes histoires racontées exactement à l’identique, encore et encore…

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Joey Joe Joe Jr Shabadoo
Joey Joe Joe Jr Shabadoo
Abonné
il y a 1 jour

Pas d’épisode Bill et Frank alors. Dommage. C’est le seul élément qui m’avait fait apprécier un tant soit peu la saison 1 (avec l’épisode Left Behind).
.
Pour le reste, au niveau émotionnel, c’était plat.
.
Au vu de votre retour, les scénaristes ne semblent pas avoir compris que tout l’intérêt de ce genre d’histoire réside dans la psychologie et les émotions des différents protagonistes….Ce que le format série, par sa durée, est censé permettre en « mieux » que le format film

charlie
charlie
il y a 1 jour

incompréhension totale sur les 7 épisodes seulement vs 9 sur la saison 1. Juste deux épisodes de plus, en s’arrêtant au même endroit, auraient permis de totalement éliminer votre deuxième très juste point.

Little John
Little John
il y a 1 jour

Je viens de finir cette saison 2… sans avoir joué au jeu, je précise, donc sans attente spécifique d’adaptation mais juste un oeil cinématographique.  

Ben fatalement à vouloir faire rentrer ça en quelques épisodes, c’est le foutoir :  

Trop de persos, trop de pouvoirs et contre-pouvoirs sans substance : wolfs / voters / fireflies / scars / infectés / communauté survivante), dont on ne sait absolument rien des dynamiques et motivations. 

Trop de scènes purement incohérentes vu le monde dans lequel ils évoluent : ça se balade tranquillou en plein jour au milieu des rues d’une ville sous surveillance militaire / ça joue de la maglight dans tous les sens en pleine nuit, ça se fait poursuivre et tirer dessus dans des couloirs et puis poufpouf y’a plus personne, ça chavire en pleine tempête chargé comme une mule mais ça échoue sans ciller sur une île à 4 bornes de là, ça vient pour appliquer une vengeance mais ça repart brecouille sans finir le boulot,… et je ne parle que des épisodes 6 er 7 là. 

Sigi
Sigi
il y a 1 jour

Le problème de Abby, c’est que son personnage est anticipé, quoi qu’il arrive. 5 ans que l’on parle d’elle comme étant le catalyseur de toute la dynamique de la partie 2, que l’on joue ou non au jeu. Je ne pense pas qu’il y avait une bonne manière de l’introduire. Son impact sur le récit ne marche qu’une fois, et c’est en 2020.
Pour moi, le problème majeur de cette saison est l’écriture, en particulier l’écriture de la vengeance. Quasiment tout pouvait être bancal ou raté, sauf ce point. The Last of us II est une exploration de la vengeance dans un monde où la vengeance a gagné de l’espace (plus de lois, plus de structures, plus d’autorité, plus de sentences institutionnelles). Que se e-t-il quand on peut brûler le monde pour venger un grand amour, sans conséquences sociétales ?
Les conséquences deviennent totalement et viscéralement humaines. Elle était là, la grandeur de Part II, et la notion de perspective offerte par l’expérience vidéoludique pour finir de transcender le tout.
Ellie de la série n’est pas consumée par cette vengeance. Elle a un interrupteur on/off cette vengeance, cette rage, et d’un épisode à l’autre, d’une séquence à l’autre, elle switche, et on n’y croit plus.

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 2 jours

Le point de vu d’un joueur du Jeux de LAST OF US qui a é 30 heures ou plus dans la peau de Joël ou Ellie n’est pas comparable avec ceux qui n’ont vu que la série.
Et dans le LAST OF US 2 dans la peau de ABBY. Des Joueurs on carrément arrêté le jeux pour ne pas suivre ABBY.

mathieutournier
mathieutournier
il y a 2 jours

Vous soulignez bien le souci de l’adaptation, et les joueurs n’apprennent finalement que très peu de nouvelles choses.
Avez-vous des retours sur l’impact de la série ? Touche-t-elle vraiment un large public ?

Je pense qu’il y a beaucoup de marketing autour de la série, et vous en parlez beaucoup, ce qui est tout à votre honneur car vous appréciez beaucoup le jeu et la série. Cependant, j’ai l’impression que la série reste très ignorée par le public. (Bien que je pense que ce soit un sujet plus complexe, avec l’explosion du nombre de séries par plateforme, il devient extrêmement difficile de fédérer.)

Zark29
Zark29
il y a 2 jours

Faudrait savoir, vous nous vendiez l’excellence de cette saison 2 depuis plusieurs semaines déjà…

Content de voir que les gens sortent enfin leur tête du guidon en tout cas.

Cette s2 est blindée de défauts et dénote beaucoup trop avec l’œuvre originale, il était temps que ce soit dit !

florianlemaire
florianlemaire
il y a 2 jours

d’accord avec les 3 points soulevés.

  1. La saison aurait du avoir plus d’épisode pour pas rush Seattle.
  2. Ils ont raté la surprise d’Abby. Trop de choses dites avant… cela aurait facile de faire le flashback APRES l’épiqode 2 ou genre laisser la revelation avec nora et faire le flashback abby avant la fin de saison. (comme le jeu donc et terminer le clifhanger comme ca la saison)
  3. Ellie pas crédible… Also, ca sert a quoi de faire un age ou on voit Seth donner un fusil d’Assant a Ellie… mais qu’on le revoit jamais par la suite ???
  4. Pour l’adaptation. Oui, j’aurais voulu voir Hillcrest et tout ce qui l’entour, cela aurait fait un bon flashback. J’ai toujours espoir qu’on voit plus l’histoire du WLF et des seraphites en saison 3 cela dis..
Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 2 jours

Après l’épisode 2 la scène de ABBY et JOËL les audience on baisser. Pedro Pascal interprète parfaitement JOËL.
Le problème de Ellie interprèté par Bella Ramsey elle n’est pas Ellie du jeux . Je parle seulement de la resemblance mais de l’écriture des dialogues.
Une saison 2 trop courte pas assez d’nfecté et on ressent pas assez qu’ont est dans un monde qui est dans le chaos.

at-tlantis
at-tlantis
Abonné
il y a 2 jours

Les deux gros problèmes:

Ellie qui est tjs pas crédible

et seulement 7 épisode pour un jeu aussi long c’est ridicule