Quel est le point commun entre Sans filtre ? La boîte de distribution Neon, qui s'est imposée en quelques années dans le cinéma américain (et pas que).
Depuis des années maintenant, une nouvelle religion domine le cinéma indépendant américain : A24. Fondé en 2012, le studio a gagné des fidèles grâce aux films qu'il a produits (Midsommar, The Lighthouse, Uncut Gems, The Green Knight, La Zone d'intérêt) et distribué (Civil War, Hérédité, Spring Breakers, Green Room, A Ghost Story, Under the Silver Lake). Le triomphe d'Everything Everywhere All at Once a confirmé pour de bon leur place.
Mais une autre église a depuis été créée. Elle s'appelle Neon, du nom du studio américain fondé en 2017. Là aussi, le CV est impressionnant côté distribution (Moi, Tonya, Palm Springs, Possessor, Titane, Spencer, Sans filtre, Immaculée), et les triomphes de Parasite et Anatomie d'une chute aux États-Unis leur ont offert une position de premier choix. En 2024, Longlegs confirme encore une fois leur place dans l'industrie.
À l'ombre des gros studios hollywoodiens, une guerre est-elle en train de se jouer pour le cinéma indépendant ? Neon est-il en train de devenir l'une des meilleures alternatives au système des studios, notamment pour le cinéma non américain ?

a history of violence
Neon n'a pas perdu une seconde pour montrer les dents. Dès la première année, en 2017, le studio a mis la main sur le film Moi, Tonya avec Margot Robbie, convoité par plusieurs poids lourds. Ils ont remporté la mise avec 5 millions de dollars (en co-distribution avec 30WEST), alors que Netflix était prêt à en lâcher 3 de plus. Leur argument en or : une sortie cinéma digne de ce nom.
Ce n'était pas leur premier coup notable. La même année, il y avait eu Colossal (Anne Hathaway connectée à une espèce de Godzilla), The Bad Batch (sous-Mad Max cannibale d'Ana Lily Amirpour), ou encore Ingrid Goes West avec Aubrey Plaza et Elizabeth Olsen. Mais Moi, Tonya leur a ouvert les portes de Hollywood, avec un joli succès au box-office et jusqu'aux Oscars (trois nominations et le prix du meilleur second rôle pour Allison Janney).
Cette expertise ne sortait pas de nulle part. Derrière Neon, il y a deux noms : Tom Quinn et Tim League. Le premier est é par Magnolia Pictures (Ong Bak, Pusher, Redacted) et The Weinstein Company, où il travaillait pour RADiUS (un distributeur autonome qui a notamment sorti It Follows). Le second avait fondé une chaîne de cinéma (Alamo Drafthouse Cinema) en 1997, et sa propre boîte de distribution en 2010, Drafthouse Films (Bullhead, The ABCs of Death), qui existent toujours.
Le duo s'était rencontré à Toronto en 2015 pour s'allier et distribuer ensemble Where to Invade Next, de Michael Moore, via une association entre RADiUS et Alamo Drafthouse Cinema. Et dès le départ, leur but avec Neon était de ne pas se spécialiser et s'enfermer, en distribuant à la fois des films sur tout le territoire, mais aussi sur le créneau de la VOD.
Leur motto revendiqué : parler à un public qui n'a pas peur de la violence, ni des films étrangers, ni des documentaires.
les rendez-vous manqués
Après Moi, Tonya, il y a eu beaucoup de films, mais aussi beaucoup de douches froides. Borg / McEnroe avec Shia LaBeouf et Sverrir Gudnason avait sûrement été pensé comme un véhicule à Oscars, mais s'est planté à tous les niveaux. Idem pour Vox Lux, avec Natalie Portman en star de la pop.
Des films clairement pensés comme de potentiels petits succès mi-provoc mi-auteur sont restés sous les radars, voire se sont ramassés au box-office : Assassination Nation (un remix des sorcières de Salem à la sauce TikTok, par le futur créateur d'Euphoria), The Beach Bum (Matthew McConaughey en roue libre chez Harmony Korine), la comédie de zombies Little Monsters, ou encore le film français Revenge de Coralie Fargeat.
"Ça vous fait quoi de pas être nommé aux Oscars ?"
Heureusement, il y a eu des succès. Bodied de Joseph Kahn est devenu un mini-phénomène en 2018, tout comme le documentaire Apollo 11 de Todd Douglas Miller en 2019. Neon est également resté dans le secteur des Oscars : le documentaire Three Identical Strangers de Tim Wardle, Border d'Ali Abbasi et Monos d'Alejandro Landes avaient été plus ou moins proches d'une nomination, et le documentaire Honeyland a été nommé deux fois (meilleur documentaire et meilleur film étranger) en 2020.
En parallèle, Neon a joué de jolis coups de business pour assurer ses arrières. Dès 2017, ils s'associaient à Blumhouse Productions pour gérer le label BH Tilt (Unfriended : Dark Web, The Belko Experiment, The Green Inferno, Upgrade). Et en 2019, ils étaient rachetés en majorité par 30West, leur partenaire pour Moi, Tonya, cofondé par le milliardaire Dan Friedkin.
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Super intéressant même si je ne peux pas lire la partie abonnés (^_^’)
@ozymandias @fethi
Merci à vous de l’avoir lu ! L’article s’est royalement planté, mais si les gens qui l’ont lu l’ont aimé, alors c’est déjà une jolie victoire !
Merci pour cet article exhaustif
Intéressant merci !