En 1984, Francis Ford Coppola croyait avoir guéri de sa mégalomanie. Le tournage dantesque de Cotton Club, film de gangsters musical dans le Harlem des années 20, a rouvert les plaies d’une maladie incurable.
La comédie musicale n’a jamais vraiment réussi à Francis Ford Coppola. Qu’on pense à la débâcle critique et financière de Coup de cœur en 1982 ou, six ans plus tard, à l’échec commercial de Tucker, rutilant biopic coincé entre une élégie introspective (Jardins de pierre) et la conclusion d’un opéra tragique (Le Parrain III). Voire à La Vallée du bonheur, musical naphtaliné en 70mm dont Warner Bros. lui confia les commandes au crépuscule des années 60. Opiniâtre, « Big Francis » a maintes fois remis sur le métier cette forme qui lui a toujours résisté.
Au mitan des années 80, un producteur cocaïné jusqu’à l’os lui a ainsi proposé de se refaire la main avec une comédie musicale mêlant mitraillettes, cuivres et claquettes dans le Harlem des Années Folles. Au régime sec, Coppola, mélomane impénitent, laisserait couler ses derniers litres de sueur en réserve dans cette entreprise périlleuse, inexorablement vouée à l’échec. Une énième débandade royale sur un air de jazz…

Le Parrain, the musical
Robert Evans accuse le coup à l’orée des années 80. Le golden boy qui a produit quelques-uns des fleurons du Nouvel Hollywood – dont Le Parrain et sa suite, productions chahutées par ses rixes homériques avec Coppola – enchaîne les catastrophes industrielles (Popeye de Robert Altman, Urban Cowboy de James Bridges) d’une ampleur comparable à sa réputation de cocaïnomane notoire.
George Wieser, rapporteur d’affaires au « nez creux [dans ses mémoires The Kids Stay in the Picture, Evans affirme que Weiser lui a mis Le Parrain de Mario Puzo entre le mains, n.d.l.r] », attire son attention sur une monographie de James Haskins consacrée au Cotton Club, célèbre cabaret de Harlem dans lequel des grands noms du jazz afro-américains (Duke Ellington, Cab Calloway, Lena Horne) se sont produits devant une clientèle bigarrée (bourgeois, artistes et bootleggers) mais exclusivement blanche pendant la Prohibition.
« Violence, sexe, musique, je tiens Le Parrain avec de la musique. Attention, les années 80 — me voilà ! », s’enthousiasme le golden boy déchu qui s’empresse d’amadouer les investisseurs à l’aide d’une affiche racoleuse : « Le Cotton Club : sa violence a effrayé le pays, sa musique a surpris le monde ». Certainement pas le public des golden eighties, décennie outrancière vampirisée par MTV, les stéroïdes et le lycra fluo.
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J’ignorais l’existence d’un Director’s Cut. Assez curieuse de le découvrir.
Pour Coppola le responsable de l’échec du film n’était ni plus ni moins que Robert Evans.