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7 réalisateurs qui n’existeraient pas sans YouTube (La Planète des singes, Alien : Romulus…)

5 mai 2024
MAJ : 14 novembre 2024
Wes Ball : 7 réalisateurs qui n'existeraient pas sans YouTube (La Planète des singes, Alien : Romulus...)

La sortie de Wes Ball est une occasion parfaite pour revenir sur ces carrières de cinéastes débutées sur Youtube.

Désormais réalisateur du blockbuster La Planète des singes : Le Nouveau royaume, Wes Ball n'a pas juste façonné son pedigree avec la saga Le Labyrinthe. Comme beaucoup de cinéastes de la fin des années 2000 et du début des années 2010, le jeune artiste a révélé ses premiers travaux sur un Youtube encore émergent, avant d'y rencontrer le succès.

Malgré un Internet toujours plus abreuvé d'images en tous genres, il est fascinant de voir comment l'industrie (surtout du côté d'Hollywood) regarde de près les plateformes et les réseaux sociaux, jusqu'à Tiktok aujourd'hui. Parmi ces outils, l'âge avancé de Youtube et le recul qu'on peut avoir sur son impact révèlent à quel point le site a fait décoller certaines carrières. L'occasion de revenir sur 7 trajectoires rêvées.

 

La Planète des Singes : Le Nouveau Royaume : photo Youtubers together strong

 

Wes Ball (Le Labyrinthe, La Planète des singes : Le Nouveau Royaume)

 

 

 

Avant de s'atteler à La Planète des singes, et surtout à la trilogie du Labyrinthe, Wes Ball a très vite impressionné l'industrie. Au début des années 2000, son court-métrage d'animation de fin d'études, A Work in Progress, lui a valu un prix spécial remis par l'Académie des Oscars. Mais c'est en 2012 que la vie du jeune cinéaste change, lorsqu'il révèle sur Youtube Ruin, un court-métrage en animation 3D photoréaliste qui lui sert de démo technique spectaculaire.

Comme beaucoup de réalisateurs émergents, Ball fait de ce coup d'essai une vignette au sein d'un univers beaucoup plus vaste, à la manière d'un échantillon qui pourrait donner lieu à une adaptation en long-métrage. Quoi qu'il en soit, Ruin fascine pour la qualité de rendu de son univers post-apocalyptique, où la nature a repris ses droits sur les restes d'une métropole de métal et de ciment. Visiblement, la fin du monde est due à l'intelligence artificielle, qui pourchasse à travers un drone notre héros du jour, qu'on jurerait sorti de Watch Dogs.

On retrouve déjà dans Ruin tout ce qui fera l'esthétique du Labyrinthe, le tout avec une efficacité impressionnante dans la mise en scène. Toujours ancrée dans l'espace et liée aux personnages (plutôt que de se complaire dans des mouvements improbables), la caméra virtuelle s'incarne vraiment au coeur de la course-poursuite qui façonne le film. Tendu et précis, ce tour de force était taillé pour faire sensation sur Internet. Il n'en faudra pas plus pour que la 20th Century Fox approche le réalisateur, et lui confie les rênes d'une des dernières sagas populaires du young-adult.

 

Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane, Prey)

 

 

 

Pendant longtemps, J.J. Abrams a rêvé d'une adaptation du jeu vidéo Portal, au travers de sa société de production Bad Robot. Mais dès 2011, le jeune Dan Trachtenberg avait signé sur Youtube un fan-film réussi, intitulé Portal : No Escape. Sans dialogues, mais avec un sens évident de l'image et de la scénographie, le réalisateur a su mettre en scène les enjeux spatiaux du jeu vidéo et de ses énigmes à base de portails.

Au-delà de sa conclusion extrêmement maline (à l'égard des jeux de Valve), Trachtenberg a tiré de cet exercice de style un huis clos inventif, où le hors-champ de la menace compte plus que sa monstration. Pas étonnant qu'Abrams ait donc choisi de confier au jeune prodige un autre huis clos, 10 Cloverfield Lane, même s'il avait is au micro d'Empire avoir eu des doutes : "J’étais un peu hésitant à l’idée d’engager quelqu’un qui n’avait pas encore réalisé de film, même si j’avais aimé son Portal. Je l’ai quand même rencontré et lors de ce rendez-vous, il m’a prouvé qu’il avait une vision limpide du projet."

Depuis, Dan Trachtenberg exploite avec beaucoup d'intelligence les concepts qu'on lui offre, et se confirme en artisan de cinéma humble, mais dévoué. Son sens du suspense et du hors-champ l'ont logiquement amené vers la franchise Predator, pour laquelle il a réalisé le très sympathique Prey.

 

David F. Sandberg (Annabelle 2, Shazam)

 

 

Ça, c'est la success story de rêve pour toute personne souhaitant faire des films : un court-métrage tourné avec trois bouts de ficelle, et qui est devenu un tel phénomène qu'il a lancé la carrière internationale du réalisateur. David F. Sandberg a bricolé Lights Out sans budget et avec sa compagne et actrice Lotta Losten, dans leur petit appartement, avec une caméra Blackmagic et deux trois accessoires.

Publié fin décembre en 2013 pour le festival Bloody Cuts Horror Challenge, Lights Out a remporté le prix du meilleur réalisateur. L'histoire aurait pu s'arrêter là, sauf que non. Sandberg expliquait à Slash Film en 2016 : "Quelques mois après, j'étais sur Reddit et j'ai vu que quelqu'un avait mis le lien vers notre film. Je me suis dit, 'Oh, super !'. Donc je suis allé voir, et j'ai vu qu'on avait 8000 vues. Je me suis dit, 'Oh, c'est génial !'. Et d'un coup, on avait 70 000 vues. Et ça a continué. Lotta et moi on était assis à rafraîchir la page, pour arriver au million, et ça a encore continué".

Quelques jours plus tard, il reçoit des appels de producteurs, studios et agents hollywoodiens. Tout ça le mènera à réaliser le long-métrage Dans le noir, sorti en 2016. Puis Annabelle 2, Shazam et Shazam 2.

On aime bien David F. Sandberg, donc on va ignorer les Shazam pour parler de ses talents de mise en scène. En deux bonnes minutes et grâce à quelques savants effets de montage et bruitage, une utilisation toute simple du hors-champ et des ellipses, et bien sûr un plan final terriblement efficace, il a fabriqué la bande démo idéale. Il a par la suite confirmé ses talents de réalisateur en emballant des scènes solides dans des projets bancals (Dans le noir et Annabelle 2, et encore une fois, on va ignorer Shazam). Maintenant, on attend qu'il mette la main sur un scénario digne de ce nom, pour montrer tout ce qu'il est capable de faire.

 

Kyle Edward Ball (The House)

 

 

 

Avant que The House, film d’horreur expérimental sorti en 2022, il alimentait la chaîne YouTube Bitesized Nightmares. Sur celle-ci, comptant aujourd’hui pas loin de 50 000 abonnés, Ball postait des vidéos mystérieuses inspirées des commentaires laissés par ses spectateurs, dans lesquels ceux-ci racontaient au vidéaste leurs songes les plus inquiétants.

De ces minuscules films énigmatiques, dans lesquels on ne distingue la plupart du temps que des morceaux de murs ou des silhouettes d’objets faiblement éclairés dans une maison pavillonnaire, le réalisateur en a tiré le long-métrage qui fait aujourd’hui sa renommée. Skinamarink (titré The House en français) est la parfaite continuation des œuvres youtubesques du vidéaste, puisque le film fonctionne avec le même type de plans contemplatifs faussement cadrés au hasard, la même photographie sombre couverte de bruit, et la même opacité dans l’intrigue.

Véritable phénomène des réseaux sociaux, sur lesquels des extraits l’ont fait er pour un potentiel “lost media”, le film a paradoxalement eu droit à une sortie cinéma justement parce qu’il a créé la sensation en étant piraté en ligne. Après avoir coûté 15 000 petits dollars, le film en a rapporté plus de 2 millions. Accomplissement final du style Kyle Edward Ball, ou commencement d’une nouvelle esthétique horrifique ? L’avenir le dira.

 

Seth Ickerman (Bloodmachines)

 

 

 

Derrière le nom de Seth Ickerman se cache en réalité un duo, Savitri Joly-Gonfard, deux amis qui s'amusent depuis leurs années d'études à enquiller les casquettes de réalisateur, scénariste, monteur et même animateur VFX. Baignés dans la science-fiction, ils se lancent en 2005 dans un projet fou : un fan-film de Matrix de près d'une heure, tourné avec les moyens du bord. Le résultat, Kaydara, pourrait être perçu comme un épisode live d'Animatrix. On y suit un chasseur de primes libéré de la Matrice, mais qui ne croit pas en l'Elu unique, et souhaite donc tuer Néo.

Si la prouesse de Kaydara peut aujourd'hui paraître désuète (dans ses CGI ou son doublage en anglais pas toujours heureux), elle n'en reste pas moins spectaculaire quand on sait qu'Hernandez et Joly-Gonfard y ont é 6 ans de leur vie. A chaque problème, le duo s'est forcé à trouver une solution, de sorte à faire de leur film-hommage une déclaration d'amour à une pop-culture éclectique et débrouillarde. Le simple fait que les maquettes de vaisseaux aient été fabriquées avec de la récup' est déjà révélateur de cette méthodologie de l'impro, de l'inventivité au mépris des limites budgétaires.

Néanmoins, Kaydara a été une expérience douloureuse pour Seth Ickerman. Les deux réalisateurs ont eu l'impression de s'enliser dans le projet, au point où le récit délirant de cette production, magnifiquement raconté dans un making-of de deux heures, est presque plus ionnant que le film en lui-même. Cette histoire de résilience, de chance et de solidarité a permis malgré tout au duo de se faire un nom, notamment avec Bloodmachines, héritier stylistique du génial fourre-tout de leur fan-film Matrix.

 

Fede Alvarez (Don't Breathe, Alien Romulus)

 

 

 

Le principal attrait de Youtube pour les jeunes réalisateurs, c'est sa nature de CV démocratique, où chacun peut exposer son travail en espérant être repéré par les grands noms du secteur. Dans le domaine, Fede Alvarez a pas mal surpris avec son court-métrage Ataque de Pánico! (ou Panic Attack!), qui montre par une suite de vignettes une invasion extraterrestre en pleine métropole. Robots géants, monuments détruits et même explosion à la Independence Day, tout y e à grands coups d'effets numériques impressionnants pour une production semi-professionnelle de 2009.

Dans sa simplicité presque enfantine, Ataque de Pánico! a quelque chose du geste de cinoche libéré et insouciant. On en veut pour preuve sa photographie volontairement saturée, uniformisée par son usage de la lumière naturelle et de la surexposition. Son approche référencée et expérimentale (cet insert malin sur un caméscope filmant l'arrivée d'un robot) ne se donne aucune limite, et profite même de ses élans de mashup amateur, jusque dans l'emploi de In the House, in a Heartbeat, le célèbre morceau de John Murphy pour la bande-originale de 28 jours plus tard.

On comprend donc pourquoi Sam Raimi, qui partage cette même énergie juvénile et foutraque, a immédiatement adoubé le réalisateur, au point de lui proposer de réaliser le remake d'Evil Dead. Fort de ce mentor inespéré, Fede Alvarez s'est affirmé en nom important du paysage horrifique, que ce soit avec Don't Breathe, ou prochainement avec Alien : Romulus.

 

RackaRacka (La Main)

 

 

 

Pour qui a été ado dans les années 2010, il est fort probable que vous ayez déjà croisé une vidéo de RackaRacka, chaîne créée par les jumeaux Michael Philippou. Inspirés par le catch et l'humour absurde, les deux frangins se sont amusés à mettre en scène des crossovers improbables et hyperviolents entre des personnages identifiés de la pop-culture (mais pas que), le tout en prenant bien soin de casser un maximum de meubles et de murs. 

Derrière la malice d'une réécriture typique d'un Internet sans barrières ("que se erait-il si les sorciers d'Harry Potter se battaient contre des Jedi ?"), RackaRacka est un exutoire, dont l'hyperactivité a canalisé celle de ses deux réalisateurs, qui ont toujours assumé leur côté turbulent pendant l'enfance. Or, en ant à la réalisation de long-métrage avec La Main – l'un des films d'horreur les plus brillants de ces dernières années –, ils ont prolongé d'une autre manière l'expérience de RackaRacka.

Non seulement le duo ne cesse de rappeler que les expérimentations et les ratés de leur chaîne Youtube les a aidés a savoir quoi faire sur leur premier film de cinéma, mais La Main ne parle au fond que du fait braver les interdits, et les conséquences qui s'ensuivent... jusqu'à la mort.

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