Qui se souvient du film d'aventure Congo, sorti en 1995, avec sa cité perdue, son gentil gorille et son étiquette de presque Jurassic Park ?
Si vous aimez King Kong, Congo. Sorti en 1995, ce film d'aventure où une équipe d'explorateurs (Laura Linney, Dylan Walsh, Ernie Hudson, Tim Curry) cherche une cité perdue en Afrique a notamment marqué les esprits grâce à sa vraie star : Amy, le gentil gorille qui communique avec les humains.
Sur le papier, Congo était un pari gagné d'avance. C'était une nouvelle adaptation d'un livre de l'écrivain superstar Michael Crichton, juste après Jurassic Park, et c'était réalisé par Frank Marshall, célèbre producteur et collaborateur fidèle de Steven Spielberg.
Mais en coulisses, les choses ont été particulièrement compliquées. Et c'est bien plus intéressant que le film lui-même.
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jurassicongo park
C'est écrit tout en haut de l'affiche : "D'après le best-seller de l'auteur de Jurassic Park". Quand Congo sort en 1995, les dinos sont és par là et l'écrivain Michael Crichton fait partie des grands gagnants. Mais ce n'était pas son premier coup à Hollywood puisqu'il avait déjà six livres adaptés au cinéma (notamment Le Mystère Andromède), et cinq films sur son CV de réalisateur (parmi lesquels Mondwest alias Westworld). En d'autres termes : c'était un petit roi à Hollywood.
Mais l'histoire de Congo remonte à bien avant Jurassic Park puisque le film aurait dû se faire dès les années 80. Alors qu'il sortait de Looker et La Grande Attaque du train d'or, Michael Crichton préparait ce projet pas comme les autres, comme il l'expliquait à Morning Star en 1980 : "Congo était un cas spécial. Je l'ai vendu à la Fox en tant que film avant de l'écrire. C'est la première et dernière fois que je fais ça. Certains écrivains sont plus motivés quand ils savent que leur travail a déjà une maison. Je suis meilleur quand j'écris sans ça".
Il envisageait Congo comme "une version moderne des Mines du roi Salomon", et voulait parler des recherches sur la langue des signes autour des primates pour créer l'un de ses personnages principaux : un gorille "qui parle". Il n'en fallait pas plus pour convaincre le studio 20th Century Fox, qui aurait lâché 1,5 million de dollars (selon The Los Angeles Times) à l'avance pour qu'il écrive le roman et le scénario, puis réalise le film.
Pour le premier rôle, Michael Crichton voulait Sean Connery, qu'il avait dirigé dans La Grande Attaque du train d'or. Mais ce n'était rien en comparaison de son autre idée de casting : trouver un vrai gorille pour jouer dans son film, plutôt que d'avoir un acteur dans un costume fabriqué par le grand Rick Baker (méthode utilisée pour Greystoke, la légende de Tarzan et Gorilles dans la brume, sortis dans les années 80).
C'est là que l'affaire s'est compliquée. En 1984, le réalisateur expliquait à Starlog : "On a commencé la préproduction et on a découvert qu'il n'y avait aucun gorille nulle part dans le monde qui était disponible pour travailler dans un film. Il y a des gorilles utilisés pour des recherches. On a essayé de les engager et on n'a pas réussi. Les gorilles ne sont pas du tout comme les chimpanzés. C'est une espèce en danger".
Le gorille avant son premier casting
Après ça, l'histoire n'est plus très claire. Michael Crichton aurait quitté le projet, la Fox l'aurait proposé à Spielberg qui aurait hésité, d'autres réalisateurs comme John Carpenter et Peter Hyams auraient refusé. Congo a dans tous les cas été bloqué dans le fameux development hell durant quelques années... jusqu'à ce que Michael Crichton ne revienne.
En 1987, il déclarait au Chicago Tribune : "C'était tellement fantastique de diriger Sean Connery dans La Grande Attaque du train d'or que j'ai écrit un livre en 1980 en l'imaginant dans le premier rôle, en espérant pouvoir retravailler avec lui. Le film va enfin se faire cette année". Ce n'est pas arrivé. Congo a encore une fois été enterré, et il a fallu attendre encore quelques années avant qu'il ne soit ressuscité.
golri dans la brume
Congo a été l'un des premiers films de Frank Marshall et Kathleen Kennedy avec leur boîte de production The Kennedy/Marshall Company, créée après leur départ d'Amblin, qu'ils avaient cofondée avec Steven Spielberg. Le couple de producteurs (et couple tout court) a mis la main sur Congo au début des années 90 avec la ferme intention d'en faire un blockbuster. C'était aussi l'objectif de leur partenaire, le studio Paramount.
Frank Marshall a validé avec lui-même et sa compagne qu'il serait le réalisateur, et John Patrick Shanley a réécrit le scénario. Les choses ont alors légèrement changé puisque la "version moderne des Mines du roi Salomon" de Michael Crichton est devenue "un peu comme Alien au début, et comme Indiana Jones à la fin", selon Frank Marshall. Celui-ci expliquait à Morning Star en juin 1995 : "Les gens pensent que c'est un thriller sérieux, mais il y a du mystère et de l'humour inattendu".
Effectivement. Entre Amy qui demande un martini dans l'avion grâce à son bracelet high-tech, Tim Curry et Bruce Campbell qui cabotinent, et Laura Linney qui achève les gorilles mutants avec son pistolet-laser-diamant, il y a de l'humour inattendu. Dans tous les cas, Congo est devenu un film à 50 millions, soit à peine moins que Jurassic Park (63 millions).
"ce n'étaient pas les gorilles que je voulais créer"
Congo était également un film important pour Stan Winston. Largement respecté pour son travail chez James Cameron (Terminator, Aliens), le spécialiste des maquillages et animatroniques voulait prouver les compétences de Stan Winston Studio face à Rick Baker. Il expliquait sur le site de la Stan Winston School : "Congo était une sorte de terrain d'essai pour moi, en tout cas c'est que je voulais que ce soit. Je voulais montrer au monde qu'on pouvait nous aussi faire des gorilles, et le faire bien".
Amy "le gorille qui parle" était un pari ambitieux, présenté comme beaucoup plus spectaculaire qu'E.T. l'extra-terrestre par le studio. L'équipe voulait créer une seule tête, et non plusieurs modèles pour les différentes émotions. Hormis pour la mâchoire grande ouverte et certaines actions spéciales (où un spécialiste des primates, Peter Elliott, enfilait un costume avec une autre tête), tout était possible avec la principale tête d'Amy, portée par les comédiennes Lorene Noh et Mysti Rosas en costume. De quoi créer l'illusion d'une "actrice" parmi les humains.
Vidéo des essais pour les Grays
Stan Winston gardait néanmoins quelques regrets : "Avec Amy, on a pris beaucoup de libertés artistiques que, je pense, on n'aurait pas dû prendre. Cette liberté était en partie de prendre le visage d'un gorille des plaines sur ce qui était censé être un gorille des montagnes, juste pour la rendre plus attendrissante. Mais on en a payé le prix parce qu'on a perdu un sens de la réalité pour le personnage".
Aucun problème de cet ordre avec les gorilles mutants de la fin (surnommés les "Grays"), pourtant le travail a été très compliqué. Chargé de ces bestioles, Paul Mejias expliquait sur le site de la Stan Wiston School : "Le design des gorilles gris n'arrêtait pas de changer. Même quand on était en train de travailler l'argile, le design changeait".
Le tournage a empiré la situation. Stan Winston expliquait : "Pour tout travail sur une créature, une grande part du succès repose sur la lumière et la mise en scène. Je n'étais pas du tout content de l'environnement des Grays. La grande caverne rouge ne permettait pas du tout d'avoir une lumière intéressante. (...) Ces personnages avaient beau être formidables quand on les regardait dans le studio, ils ont fini par juste ressembler à des mecs en costumes de fourrure gris qui courent".
Malgré quelques images impressionnantes (l'animatronique hippopotame de 2 tonnes), Stan Winston restera donc déçu par Congo : "On a fait beaucoup de choses intéressantes dans Congo, mais ça n'a pas donné ce que je voulais : prouver qu'on pouvait faire de super gorilles. On a travaillé très dur, on a beaucoup appris, mais au final, ce n'étaient pas les gorilles que je voulais créer".
"la nouvelle star de paramount"
Peu importe, Congo restait un gros bébé blockbuster pour les producteurs. Un incroyable article du Los Angeles Times daté de février 1995 (merci Den of Geek) raconte une réunion entre le comité de direction de Viacom (qui avait racheté Paramount quelques mois plus tôt) et la présidente du studio, Sherry Lansing : "Vous connaissez tous Tom Cruise et Harrison Ford. Et maintenant, je veux vous faire rencontrer la nouvelle star de Paramount". Entre alors un gorille... suivi de Stan Winston, qui contrôle le faux animal. Mais tout le monde avait eu le temps de se demander pourquoi un vrai gorille avait ret la réunion.
C'était quatre mois avant la sortie de Congo. Elle aussi présente, Kathleen Kennedy racontait : "Ils étaient tous un peu effrayés au départ quand Sherry a fait entrer le gorille dans la pièce. Mais quel meilleur moyen d'expliquer au comité de Viacom pourquoi le studio voyait Congo comme l'un des plus gros films de l'été ?".
Le teaser pas du tout mensonger
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Congo était un événement savamment orchestré par le studio. Le premier teaser avait été lâché avec Star Trek : Générations, sorti fin 1994. La bande-annonce avait été mise sur les VHS de Forrest Gump, qui s'étaient vendues comme des petits pains. Le marketing misait entièrement sur le mystérieux visage du gorille et la mention "Par l'auteur de Jurassic Park", en laissant tous les acteurs de côté.
Paramount avait également mis en place plusieurs partenariats (Pepsi, Taco Bell et compagnie) sur le modèle de Jurassic Park. C'était l'équivalent d'une campagne promo à 85 millions selon le studio, qui fanfaronnait à l'époque chez Entertainement Weekly. Il y a même eu deux jeux vidéo : Congo the Movie : The Lost City of Zinj, et Descent Into Zinj.
Enfin, le studio a misé sur une sortie en juin 1995, après Die Hard 3 et Casper, et avant La Mutante et Waterworld. Descendu en flèche par la critique, Congo a pourtant démarré très fort au box-office, bien au-delà des prédictions. L'agent de Michael Crichton déclarait alors au Los Angeles Times : "Le fait que le film ait fait 25 millions pour son démarrage laisse entendre que son nom a une très grande valeur". Un peu ironique étant donné que l'écrivain n'avait alors plus grand-chose à voir avec le Congo sorti au cinéma... mais qu'il en était l'argument marketing numéro 1.
Néanmoins, tout s'est vite calmé. La curiosité Jurassic Parkesque a attiré à la sortie, mais la réalité a rapidement repris le dessus. Une semaine après, Batman Forever sortait au cinéma, et Congo était doucement poussé vers la sortie. Le film avait démarré un peu au-dessus de Die Hard 3, mais il a fini sa carrière loin derrière. Avec seulement 152 millions au box-office (dont 81 côté domestique) pour un budget officiel d'environ 50 millions, le succès était limité, et très loin des 900 millions de leur modèle Jurassic Park.
Que reste-t-il de Congo, près de 20 ans après ? Pas grand-chose, hormis le petit plaisir de l'accident industriel improbable, et ce curieux destin de blockbuster raté qui a laissé une minuscule trace pulp au rayon grosse série B.
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Période « bénie »de l’impérialisme amerloque où un blockbuster made in usa affichait ouvertement des propos et des situation racistes, des erreurs énormes en géopolitique, les blancs et les singes donnait des leçon de vie au personnages afro-américain, le danger venait de singes blancs albinos (« pour eux ça va être très très dur ! » dixit Coluche), les femmes servent à rien dans le récit… Tout l’inverse du livre!
Sans déc’, même moi le film m’avait choqué à l’époque et le livre est bien plus humaniste et crédible, Crichton obligé.
Vu il y a longtemps, de mémoire ça se laissait regarder mais rien de fabuleux dans le genre.
vu a l’époque mais je pense que le revoir maintenant fait mal
sans oublier le clin d’oeil à aliens le retour, lattaque du camp, avec les tourelles de défense, haha!!
Mon dieu ce film!!!!! Amy le singe totalement en roue libre.
Bon après je reconnais que c’est un vrai plaisir coupable avec un casting sympa doté de seconds couteaux 90’s (Ernie Hudson, Tim Curry, Joe Don Baker et un Bruce Campbell fugace), une zique du maitre Goldsmith, la belle photo d’Allen Daviau et un final proche d’un génocide de primates!
Vu à l’époque, un bonne petite série B qui se regarde tranquille.
Je l’ai vu plusieurs fois, j’adore.
vu des petits bouts de films, ct un vrai film vhs plaisir coupable, pour le coup, haha!!!
j’ai toujours adoré l’affiche ‘içi, c’est vous l’espèce en danger! »
Au fait, ecran large, puisque l’on parle monstres/grosses bêtes, des dossiers sur Outlander, le dernier viking, The monster, de bertino, ou encore l’île du docteur moreau (1996) seraient vraiment sympas!!!