À la fois avant-gardiste et désuet, Les Aventures de Rocketeer est un film fascinant à revisiter, surtout dans le giron de la SF made in Disney.
Si comme nous, vous vous amusez à sillonner les tréfonds de Captain America.
N'oubliez pas de mettre votre masque
Retour vers le rétro
Mais d'abord, petit retour en arrière. Dans les années 80, l’auteur de comic-books Dave Stevens débute une série dédiée à Cliff Secord, un pilote d’avion des années 30 habitué aux shows aériens. Un jour, ce héros de l’entre-deux-guerres découvre un prototype de fusée dorsale volé par des gangsters à l’armée. Naît ainsi le Rocketeer, hommage touchant aux héros des serials américains d’antan. Pour le dessinateur, cette fondation cinématographique ne peut qu’amener une adaptation du concept sur grand écran, histoire de boucler la boucle.
Après une première tentative avortée au début des années 80, Stevens offre aux scénaristes Paul De Meo la possibilité de développer un script, que les deux auteurs envisagent comme un film à petit budget en noir et blanc. Mais rapidement, l’ambition du projet amène l’équipe à repenser sa copie, et à ajouter un contexte hollywoodien et un climax plus explosif.
Problème, à l’époque, personne ne s’intéresse à un blockbuster coûteux basé sur un comics. Finalement, après avoir toqué à de nombreuses portes, Touchstone Pictures, la branche “adulte” de Disney, s’intéresse à l’idée, et envisage même (un peu vite) une trilogie. Entretemps, le président de Walt Disney Pictures, Jeffrey Katzenberg, décide de transférer le projet en tant que long-métrage sous le giron officiel de Mickey, principalement pour vendre des jouets. Pas de bol pour eux, lors de sa sortie durant l’été 1991, Les Aventures de Rocketeer récolte à peine 46,7 millions de dollars sur le sol américain, ce qui en fait une sacrée déception commerciale, et un film injustement oublié de la major.
Un film qui en jet(pack)
Pourtant, le long-métrage de Joe Johnston est une œuvre hautement fascinante aux vues de sa naïveté joyeusement désuète, comme en atteste son introduction aussi efficace que virevoltante, qui ne s’embarrasse pas d’une lourde exposition pour jeter à l’écran un aviateur embarqué malgré lui dans une course-poursuite entre la police et des gangsters des années 30. Entre la merveilleuse musique de Jennifer Connelly (Jenny, la petite amie du protagoniste).
Mais ce qui fait réellement la force du long-métrage, c’est bien évidemment son esthétique rétrofuturiste, non pas steampunk, mais dieselpunk (une science-fiction inspirée par la technologie post-Première Guerre mondiale). Alors que les pontes de Disney ont espéré changer l’allure du costume de Rocketeer pour évoquer une tenue plus proche des expérimentations de la NASA, c’est Dave Stevens lui-même qui propose un design quasi identique à celui de ses bandes dessinées.
Le résultat s'accorde ainsi parfaitement avec le production design ambitieux du film, qui déploie avec force le glamour hérité des années folles (on pense à l’incroyable décor du cabaret) mais aussi la bizarrerie de certaines architectures de l’époque, comme le Bulldog Café, ce lieu culte des comics orné d’une tête de chien, et inspiré d’un véritable diner de Los Angeles.
À partir de là, Rocketeer repose sur son équilibre précaire, mais savamment dosé en ce qui concerne son melting-pot d’influences. Joe Johnston sait mettre en valeur les figures les plus évidentes de l’Americana, à commencer par ses cols bleus volontaires, tout en jouant d’une uchronie dans laquelle Howard Hughes se retrouve mêlé à une menace nazie.
Sa théorie du complot décomplexée offre ainsi l’opportunité au film d’éclore en pur récit pulp, qui assume son grand spectacle ampoulé jusqu'à faire d’un Zeppelin (forcément enflammé) le symbole privilégié d’un troisième acte manipulant à loisir des technologies certes délaissées, mais toujours sources de fantasmes.
Tomorrowland
Si Joe Johnston n’est peut-être pas un grand auteur, cette note d'intention prouve à elle seule à quel point il est un artisan du cinéma ionné et concerné par son médium. Les effets spéciaux du film ont forcément pris un coup de vieux, mais ils annoncent déjà le travail privilégié du réalisateur avec les équipes d’ILM, en particulier sur l’impressionnant Jumanji.
Mais surtout, son intelligence de metteur en scène lui permet de déer le simple postulat nostalgique du projet. En jouant sur une certaine insouciance de l’entre-deux-guerres, Rocketeer traite en filigrane d’un monde qui refuse de voir l’horreur fasciste qui toque à sa porte. Trop tardivement, le héros se rend compte que la merveille de technologie en sa possession pourrait se révéler dévastatrice si elle tombait entre de mauvaises mains. C’est d’ailleurs avec beaucoup de maturité que le scénario conclut l’arc de Cliff, puisqu’il laisse le jetpack lui donnant son identité de super-héros être détruit.
Pour autant, Johnston embrasse la naïveté de son protagoniste, et fait de son œuvre une douce ode aux rêveurs, à la pureté imaginative et au pouvoir d’évasion du septième art, même lorsque celui-ci est menacé par la guerre. À vrai dire, c’est dans ces moments-là que le film trace la cohérence du cinéma de Joe Johnston, surtout lorsqu'on pense à son incursion dans les débuts du Marvel Cinematic Universe.
Rien que pour Timothy Dalton en pseudo-Errol Flynn, le film vaut le détour...
Après tout, Captain America : First Avenger joue avec une esthétique dieselpunk, mais il interroge son icône comme outil de propagande, filmé et envoyé sur scène pour donner corps à un effort de guerre attrayant. Cette mise en abyme est essentielle pour que le réalisateur émancipe par la suite son super-héros de cette image forcée. Tout comme Cliff, le Captain parvient à se faire un nom grâce à sa noblesse d’âme. Ce n’est plus le bouclier qui inspire, mais bien celui qui le porte.
C’est pourquoi, a posteriori, Rocketeer n’en est que plus ionnant au sein de la filmographie du réalisateur. Derrière l’hommage évident au cinéma des 30 et 40, l’idée de génie du scénario réside dans son contexte hollywoodien, puisque Jenny rêve de devenir actrice, et a l’occasion de travailler sur le tournage d’un long-métrage de Neville Sinclair (génial Errol Flynn. Et s’il s’amuse à parodier la production d’un film de cape et d’épée, Johnston éprouve en réalité une grande tendresse pour ce sens du spectacle, qu'il retranscrit d’ailleurs avec l’honnêteté d’un pastiche savant (ce qu'il fera également dans Captain America).
On pense pour cela à ses jeux d’ombres directement repris aux classiques du film noir, ou encore aux prothèses exubérantes du personnage de Lothar. Ce tueur à gages monstrueux et aux traits difformes se présente comme un hommage à Rondo Hatton, devenu icône du cinéma d’horreur grâce à son acromégalie, un trouble hormonal provoquant une augmentation anormale de certains membres du corps et certaines parties du visage.
Malheureusement, cette cinéphilie appuyée n’a sans doute pas aidé Les Aventures de Rocketeer à trouver à l’époque son public. La force de sa vision et de son premier degré marque dès les premières minutes l’obsolescence d’un blockbuster aux antipodes de la modernité plus ironique des années 90. Et pourtant, la grande tragédie du long-métrage, c’est finalement d’être sorti trop tôt. Peu de temps après lui, le succès de Dick Tracy donnent ses lettres de noblesse à l’esthétique dieselpunk, avant que le style n’infuse au fil du temps une bonne partie de la culture populaire, du jeu vidéo Bioshock à... certaines sections des parcs Disneyland.
En effet, Rocketeer porte en lui un retour aux sources de la firme aux grandes oreilles, alors que ses divers PDG ont cherché à retrouver la folie créative de Walt Disney, et son amour d’un imaginaire scientifique pensé pour fructifier les esprits. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la multinationale a tenté par la suite de raviver l’héritage du film de Joe Johnston avec une autre grande oeuvre dieselpunk : quel sort a subi le film à sa sortie... Spoiler : l’histoire se répète.
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@Dehem :
Oui ce film est une petite pépite. Le jeu aussi sauf que ce n’est pas Rocketeer mais Rocket Ranger des talentueux Cinemaware (Defenders of the Crown et Wings).
Pour moi aussi, un très bon souvenir. ( avec aussi le jeu sur Amiga … )
Avant de voir le film je le suis plongée dans la BD de Rocketeer le dessin de Adam Stevens incroyable, le film adaptation plus ou moins réussi mais lisais la BD originale .
Comme Kyle, un petit moment de bonheur de notre jeunesse.
Un divertissement très agréable avec son cachet jouant sur la nostalgie.
Un très bon souvenir. Une époque où on ne pensait pas encore « univers » avec multi suite et spin off et on essayait de faire avant tout un bon film.
Je valide ce super bon petit film avec une atmosphère d’antan qui me manque parfois…
Le regretté Dave Stevens, casting 4 étoiles une très belle transposition et une tonalité rare à l’écran, culte ….
Un peu déçu à la revoyure étant donné que les séquences où Rocketeer volent sont peu nombreuses et pas longues.
Mais le film est bien mené par Joe Johnston et il y a Jennifer Connelly, de beaux méchants (007 et l’home à la tête de pioche qui m’avait bien marqué petit) , la zique de James Horner et une sacrée séquence de fin en Zeppelin. Dommage que le bluray n’ait AUCUN bonus (sauf le trailer, super….)
Une pépite malheureusement trop méconnue ! Je le conseille à tous ceux qui sont és à côté tant le film vieillit étonnamment bien, à quelques effets près.
En prime, il y a le plaisir de retrouver Jennifer Connelly et Terry O’Quinn (Locke de Lost). Quant au héros, je me rappelle que j’avais buggé en percutant que c’était le Jordan Collier des 4400.
Découvert étant gosse, j’avais poncé la VHS enregistrée tant je l’ai vu et revu en boucle. Digne d’un Indiana Jones en plus pulp/steampunk. J’ai d’ailleurs retrouvé un peu de l’esprit de ce film dans le jeu Crimson Skies qui, avis aux adeptes ayant une quelconque Xbox sous la main, vieillit lui aussi très bien.