Films

The Killer : le chef d’oeuvre qui fait er John Wick pour un Playmobil

Par Simon Riaux
15 octobre 2020
MAJ : 21 mai 2024

On revient sur un film majeur de l’histoire du cinéma d’action, un choc crépusculaire et flingueur, qui n’est pas pour rien dans la naissance de John Wick.

The Killer : Photo Chow Yun-Fat

Considéré comme un des plus grands films d’action de tous les temps, The Killer a marqué si puissamment la cinéphilie occidentale qu’il a permis, presque à lui seul, de tout à fait renouveler notre regard sur le cinéma asiatique, quand il n’a pas carrément permis à de nouvelles générations de le découvrir. 

Alors que l’aura de son réalisateur, John Woo s’est (un peu) ternie, que le cinéma d’action a digéré son héritage sans toujours lui rendre hommage, les cinéphiles déclarant leur amour à son grand-œuvre sont de plus en plus rare. Et si c’était justement l’occasion de le remettre sur le devant de la scène ? 

 

photo, Chow Yun-FatQuand le relecteur d'Ecran Large e un mauvais lundi

 

FORCE SUR LE WICK 

Et à bien y regarder, une franchise de premier plan s’est tout récemment revendiquée fièrement de l’héritage du grand spectacle hong-kongais et du Killer de John Woo tout particulièrement. Il s’agit bien sûr de John Wick, qui a su réveiller des spectateurs qui ne croyaient plus guère dans la capacité d’un cinéma d’action sur-découpé et sous intraveineuse de doublures numériques. Bien sûr, les deux initiateurs de la franchise, les ex-coordinateurs de cascade John Wick à l’écran, on distingue une figure tutélaire. 

The Killer est bien plus que cité à une paire de reprises, ou un objet de déférence. On jurerait presque que c’est tout l’univers de John Wick qui a été pensé comme un fan art ou une prolongation (un peu cartoonesque, un peu déviante, totalement “américaine”) devenue incontrôlable. Car à bien y regarder, c’est l’ADN même de la licence meurtrière qui paraît s’être abreuvée à la source fumante de John Woo. 

 

Photo Keanu ReevesComme un air de déjà vu

 

Nous y suivons donc Ah Jong un tueur à gages désabusé. Lors de ce qui devait être son dernier contrat, il a malencontreusement blessé une femme, chanteuse, devenue aveugle à la suite de ses blessures. Il décide alors de consacrer ses gains à ses soins. Une situation qui va le placer entre deux feux, ceux d’un policier décidé à l’arrêter, lui-même en rupture de ban, et ceux de ses anciens employeurs, décidés à éliminer l’assassin renégat, lui envoyant quantité de tueurs pour le faire disparaître. 

À bien y regarder, symboliquement, on pourrait presque imaginer The Killer comme un prequel, quand Ah Jong jure à Jenny que plus jamais il ne tuera. À l’évidence, son destin sera tout autre que celui du Droopy sanglant joué par Keanu Reeves, mais il n’est pas tout à fait innocent que la rédemption (et l’amorce de leur rage flinguante) soit initiée par une figure de femme, qui peut être vue ici comme un age de témoin entre deux œuvres et deux époques. 

Élégance crépusculaire, hordes d’ennemis anonymes, sacralisation d’un monde souterrain et criminel, mythologie qui exsude de chaque plan, mais conserve une aura de mystère, iconisation permanente... impossible de ne pas voir combien la proposition esthétique et plastique de Woo a infusé des décennies durant pour être conjuguée (très naïvement) dans John Wick. Pour autant, il faut maintenant se pencher sur ce qui fait du long-métrage un choc, quand le public international le découvre à Cannes en 1989. 

 

photo, Chow Yun-FatQuand vient l'heure de dire deux mots au cinéma d'action

 

BALLE DANS LA TÊTE 

À la fin des années 80 et durant la première moitié des années 90, le cinéma d’action essentiellement américain végète. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Une Journée en enfer). 

 

photo, Chow Yun-FatLa preuve que le blanc, c'est salissant

 

Filmage pépouze, spectacle pyrotechnique attendu, chorégraphies parfois quasi-inexistantes, ce qui constitue le terreau d’un Steven Seagal est un système ronronnant, qui n’attend plus que d’être transcendé. Et c’est précisément ce choc salutaire que va provoquer The Killer. N'hésitant à greffer sur tous ses affrontements un symbolisme permanent, voire une mystique dévorante, il tient toujours le grand écart entre spectacle, violence et lyrisme opératique. Le mélange est détonnant, et dépote à un niveau tout simplement jamais vu pour l'immense majorité des cinéphiles occidentaux.

En menant de concert émotions sublimées, fusillades aux airs de danses apocalyptiques, en rompant avec les codes à priori digérés de l’action américaine, Woo sidère. Mieux, il mène à leur point culminant des techniques comme le ralenti, et tous les effets susceptibles de générer de l’emphase, d’appuyer, voire démultiplier, les émotions du spectateur, tout en donnant leurs lettres de noblesse à des techniques de tournage souvent déconsidérées (aujourd’hui encore). Lors de ses scènes d’action, il use presque systématiquement de multiples caméras, autorisant une dilatation de l’action, une multiplication des points de vue, et une immense liberté au montage. 

 

photo, Chow Yun-FatChow assure le show

 

MELVILLE MUTANT 

Procédé plus souvent perçu comme un matelas de sécurité permettant à un réalisateur de ne pas opérer de choix esthétiques forts, le tournage en multi-caméra devient au contraire ici un exhausteur de style, qui permet à celui de Woo de prendre toute sa mesure. Et le cinéma d’action de se décrocher la mâchoire devant cette virtuosité hypnotique. Mais ce qui permet à The Killer de marquer instantanément l’histoire du cinéma, ce n’est pas seulement sa gestion incroyable des gunfights. Son style ne saurait être uniquement perçu par le biais d’un renouvellement de l’action via Hong Kong. S’il apparaît novateur, le chef-d’oeuvre de John Woo est avant tout une création hybride. 

 

photo, Alain DelonMythique tueur mutique

 

Car le film établit un pont ionnant avec le cinéma occidental, européen pour commencer. Comme il l’a souvent dit, Woo cite fréquemment Melville, et surtout Alain Delon. Le métrage cite ses postures, amplifie son attitude, son aura, comme si deux spectres en devenir conversaient par images interposées. 

Mais Woo n’en reste pas là. Ses ralentis ont beau conférer une identité instantanément reconnaissable à ses créations, elles sont aussi une expansion de ceux du cinéaste Mean Streets de Martin Scorsese s’avère une source d’inspiration omniprésente. Ainsi, The Killer a beau être un électrochoc, il est pour beaucoup le constat d’une cinéphilie incroyablement vivante, en mouvement perpétuel, dont la générosité et l'amour des formes font un monument hors du temps et des modes.

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Adam
Adam
il y a 4 années

John woo utilise b le ralenti dans ses films et aussi les pigeons

Colonel j Matrix
Colonel j Matrix
il y a 4 années

Vous avez oublié le syndicat du crim de jhon Woo qui et super

Mx
Mx
il y a 4 années

Pas d’accord sur le coté sirupeux, c’est le style woo, il faut accrocher à ce style, c’est tout, quand au fait que sa a vieilli, le film a 30 ans, et reste toujours un classique.

Qui
Qui
il y a 4 années

Il a surtout inventé les flingues à munitions illimitées et le lancé de pigeons.

Matrix R
Matrix R
il y a 4 années

Un immortel film. Woody eterne. Choix d’un fat divin

Killah
Killah
il y a 4 années

The killer m’avait scotché par ses gunfights et ses chorégraphies stylées.
Et le plus qui m’a fait triper c’est le tout début. Quand il y a l’orage et la pluie avec la musique du film et qu’un mec rentre en manteau long dans l’église camera derrière lui et après on voit Chow Yun Fat assis dans l’église pensif en train de regarder la vierge avec beaucoup de bougie tout autour. Trop stylé !
Par contre ce qui m’a déplu c’est le côté nian nian du film avec cette amitié avec Danny qui vire presque sur l’homosexualité et la fille que tu veux baffer tout le temps. Et puis le film a bien vieilli. J’aurais rêvé un retour au film d’action de John Woo et Chow Yun Fat.

Pat Rick
Pat Rick
il y a 4 années

Niveau action ce film déchire mais la romance est quand même très sirupeuse, je préfère À toute épreuve.

Opale
Opale
il y a 4 années

The Killer, sacré film, mais comme plusieurs d’entre vous je lui préfère A toute épreuve que je trouve plus abouti et dynamique, une véritable leçon de mise en scène concernant les gun fights!

blame
blame
il y a 4 années

@Baretta

ok, désolé pour mon inculture cinematogrpahique !! Dans ce cas c’est une très belle fin

alulu
alulu
il y a 4 années

La chanson qui e quasi en boucle dans The Killer m’a filé le diabète des oreilles. Comme Kyle Reese, je préfère A tout épreuve.