Films

Devs, Ex Machina, Annihilation : pourquoi Alex Garland réveille la science-fiction

Par Simon Riaux
7 mars 2020
MAJ : 21 mai 2024

Devs débarque sur Canal Plus Série. Et du coup, on a voulu revenir sur Alex Garland, et pourquoi il compte déjà parmi les grandes voix de la SF contemporaine.

Ex Machina : photo, Alicia Vikander

Comptant parmi lesAlex Garland, et pourquoi il compte déjà parmi les grandes voix de la SF contemporaine.

Romancier devenu scénariste, scénariste devenu réalisateur, Alex Garland a imposé en quelques années une voie singulière issue de récits ambitieux, souvent enracinés dans ce qu’on appelle le cinéma de genre, lorgnant de plus en plus ouvertement vers la science-fiction. Domaine littéraire et filmique particulièrement vaste, aux innombrables courants et orientations, la SF fait les beaux jours du box-office, mais celle proposée par l’artiste, détonne, diffère.

Quels sont donc les thèmes et particularités d’un auteur, un véritable créateur de mondes ?

 

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SÉRIE B MON AMOUR

S’il est aujourd’hui le fer de lance d’un cinéma de l’imaginaire sophistiqué, 28 jours plus tard.

 

Photo Natalie Portman Annihilation, un survival métaphysique ?

 

Et si ce dernier marqua un profond renouveau d’un genre alors en déshérence, difficile de faire plus B qu’un film de zombie shooté en mode guérilla pour un budget dérisoire. Équipé d’un scénario tranchant et de petites caméras DV retapées pour accueillir des objectifs super 16mm, Boyle signe un « film d’infecté » qui deviendra matriciel pour toute une génération de cinéphiles. Avec ses personnages archétypaux, mais maîtrisés, ses situations classiques, toujours capables de dévisser vers l’inconnu, Garland a écrit une véritable lettre d’amour aux séries B d’hier et d’aujourd’hui.

 

Photo

 

On l’oublie souvent, mais c’est également lui qui a scénarisé le très réussi Assaut de Carpenter : plus B tu meurs.

Et cet ADN se retrouvera dans presque toutes les réalisations de l’artiste, à commencer par le script imaginé pour le jeu DMC : Devil May Cry. Partout où e le cinéaste, une ambiance de récit à l’ancienne, toujours resserré et fusant à l’essentiel comme un uppercut est toujours le premier ingrédient.

 

Photo Cillian Murphy

 

LA LUMIÈRE FUIT

Autre élément marquant du cinéma de Garland : son rapport élémentaire à la lumière. On pourrait arguer qu’il n’est pas de cinéaste qui ne se questionne pas sur son rôle et son importance, tant l’éclairage demeure un langage fondamental, un idiome à l’intérieur même de la grammaire du cinéma. Mais chez Alex Garland, la lumière n’est pas seulement un code esthétique, c’est un principe actif, quasiment un personnage, qui contient les secrets du monde.

C’est flagrant dans Sunshine, puisque la lumière devient l’enjeu et le cœur de ce récit d’exploration spatiale, où des astronautes doivent relancer le soleil, sur le point de s’éteindre. À plusieurs reprises, les personnages font état des questionnements qu’elle charrie, et n’hésitent pas à se sacrifier pour pouvoir s’y baigner à jamais, ou tout du moins jusqu’aux ultimes secondes de leur existence.

 

Photo Sunshine, Cliff CurtisBoire la tasse pendant un bain de soleil

 

« Que vois-tu ? » demande Searle à Kaneda avant que l’astre ne le dévore, alors que lui-même s’apprête à se payer un bain de soleil létal. Avec comme locomotive, cette idée qu’a faite sienne l’antagoniste finale, Pinbacker : la lumière est-elle par essence divine ? Porteuse de vie ?

Une réflexion que prolonge et nuance Devs fait ressurgir cette thématique un minimum.

 

Photo Nick OffermanLumière divine et faux prophète ?

 

LA FEMME EST L’AVENIR DE L’HOMME

Il serait abusif de qualifier Alex Garland de réalisateur féministe ou de décrire son œuvre comme une proposition militante de s’emparer de certains sujets qui agitent en ce moment le corps social des deux côtés de l’Atlantique. Néanmoins, ses récits, ses choix narratifs, mais aussi sa mise en scène questionnent presque toujours les interactions entre les deux sexes, leurs incompréhensions, tout en proposant une vision parfois glaçante de leurs avenirs, communs ou non.

Il est frappant de voir combien de personnages masculins de Garland sont tentés par la disparition. Dès Sunshine, et comme évoqué quelques paragraphes plus haut, pour une poignée de héros virils, tel le pilote joué par Chris Evans, on trouve plusieurs hommes effacés, voire en quête d’effacement. C’est le cas de Capa, héros incapable de s’affirmer sans l’action de sa collègue Cassie, c’est aussi dans une certaine mesure le cas de Dredd, qui fait tout pour s’effacer derrière sa fonction, son masque, aux côtés d’une consoeur en quête d’affirmation, au visage bien visible.

 

photo, Oscar Isaac, Domhnall GleesonLes deux ex de la machine...

 

Souvent lancés dans une quête exploratrice dont les tenants et aboutissants sont flous, les hommes appréhendent chez Garland le monde, mais aussi les femmes comme des éléments exogènes, complètement étrangers. C’est une évidence dans Ex Machina, où Nathan et Caleb, chacun à leur manière renvoient Ava à sa nature d’objet, de chose. Cette dernière en revanche, refuse d’explorer ces concepts, actant leur anachronisme, et s’impose comme un principe de vie à elle seule.

Dans la scène où elle évoque le concept de nudité, avant de questionner le genre que lui assignent les deux autres protagonistes du film, Garland s’amuse à jouer avec son spectateur, lui demandant directement ce qui d’après lui fonde le féminin. Une logique de genres ? Une logique « naturelle » ? Ou un déement du concept lui-même ? Plus qu'un militant d'une paroisse quelconque, le réalisateur semble ici fonctionner comme un thermomètre, happant les craintes et névroses de son époque, pour en faire du matériel de SF aiguisée à souhait.

 

Photo Alex GarlandAlex Garland et Alicia Vikander

 

GRAND ÉCART

Enfin, à l’heure où la SF semble se scinder entre des expérimentations indé (Sunshine mélangeait trip mystique et ambitions de blockbuster à la Armageddon, c’est d’ailleurs peut-être ce qui lui valut d’être incompris lors de sa sortie en salles.

Les mêmes remarques s’appliquent à ses œuvres plus personnelles. Humans. Mais loin d’en rester à la surface de ses multiples influences, le réalisateur marie ces motifs à une réflexion maline sur le code, et sur la conscience artificielle, ainsi que la singularité.

Même constat dans Annihilation. On retrouve ici l’ADN du survival et du film d’invasion, des genres plutôt issus de la série B, très codifiés, que Garland pulvérise avec une menace diffuse, philosophique, et un questionnement sur l’identité qui amène le film assez loin dans le délire métaphysique.

C’est d’ailleurs peut-être cela qui permet au réalisateur d’être attendu aussi bien par les fans de hard SF conceptuelle que par les amateurs de divertissement remuant. Une position d’équilibre et de curiosité, qui fait de la science-fiction selon Alex Garland un terrain des possibles perpétuellement renouvelé.

 

photoDevs ou quand le techno-thriller rencontre Alice au Pays des Merveilles

Affiche française

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Ozymandias
Ozymandias
il y a 4 années

Alex, on t’aime <3

Thierry
Thierry
il y a 5 années

Devs episodes…. Waouhhhh. Stunning.

Lili Jae
Lili Jae
il y a 5 années

Je suis entièrement d’accord avec Vincent. Personnellement étant une cinéphile ionnée (entre mes achats de livres, films et fiches monsieur cinéma), offrir un tel contenu pour 2.50 euros par mois que demander de plus? En plus, l’équipe de la rédaction d’écran large est bienveillante et très pro. La plupart des articles du site sont accessibles gratuitement. Continuez comme cela car je surkiffe le site j’y suis quotidiennement 🙂

Vincent
Vincent
il y a 5 années

Chiens de capitalistes ! Prêts à tout pour nous soutirer le moindre centimes ! Et bientôt quoi ? Être payés pour votre travail ? Et après on s’étonne que le monde parte en sucette !… 😀

Blague à part, continuez ce que vous faites ! C’est top et ça vaut largement quelques euros !

La Rédaction
La Rédaction
il y a 5 années

@Fauve & Denis
On vous le fait pas dire ! Tous ces gens qui veulent de l’argent pour travailler ! Non mais ho !

Fauve
Fauve
il y a 5 années

C est bien vrai. Entre l obligation d accepter les cookies ou ce genre de méthode type racket pour lire un article. Scandale

Deny
Deny
il y a 5 années

C’est nouveau! il faut s’abonner pour voir l’article! Besoin d’argent Ecran large? Moi je vais voir ailleurs parce que payer ce prix c’est ab!