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Abigail : critique de la nouvelle fille de Dracula

Par Judith Beauvallet
29 mai 2024
MAJ : 30 mai 2024

Après leur crochet du côté des grosses franchises avec Kathryn Newton (entre autres). Entre son déluge de péripéties et ses scènes de comédie gore, ce film de casse vampirique se traîne pas mal de défauts, mais parvient à donner le sourire (pointu).

critique de la nouvelle fille de Dracula

Scream contre les vampires

Aucun doute : avec Abigail, Gillett et Betinelli-Olpin renouent de très près avec l’esprit de Wedding Nightmare. Au point de situer l’action dans le grand manoir piégeux d’une famille riche et de ressortir la carte “gens qui explosent à l’improviste en arrosant tout le monde”. Hormis la facilité un peu épaisse de ces redites, il n’est pas désagréable de voir la paire de réalisateurs revenir en terrain connu, après avoir fait de leur mieux avec Ghostface sans que ça donne quoi que ce soit de mémorable.

Embarquant Melissa Barrera sous le bras, elle qui a été brusquement débarquée de la saga Scream par un producteur de chez Spyglass froissé de ses appels au cessez-le-feu en Palestine, les deux cinéastes sont repartis vers un type de production qui, visiblement, leur permet beaucoup plus de libertés. Pas que le budget d’Abigail soit plus modeste que celui des Scream, mais là où le boogeyman devenu institution trimballe avec lui un pesant héritage et de règles à observer lorsqu’il faut raconter son histoire, Abigail a le mérite d’être une histoire originale (une denrée rare, de nos jours).

Si Livide avait été fun

Cela dit, il n’est pas é loin d’être un remake du film de 1936 appelé La Fille de Dracula, à l’époque où Universal voulait encore faire d’Abigail un élément de son Dark Universe, et au sein duquel il aurait été rattaché (allez savoir pourquoi) au terrible La Momie de 2017. Le pire a donc été évité et Abigail fait office de jolie petite nouveauté, bien qu’on puisse y voir une extrapolation de la monstrueuse ballerine aperçue dans La Cabane dans les Bois de Drew Goddard, ou une revisite clandestine (mais beaucoup plus réussie) du Livide d’Alexandre Bustillo et Julien Maury.

Avec le second degré bien maîtrisé qui permet à beaucoup de films d’horreur farfelus de devenir audacieux plutôt que ridicules, Abigail rafraîchit, divertit et colle un sourire sur le visage du spectateur même pendant les scènes les plus sales. Mais n’est pas Wedding Nightmare qui veut, même un film signé par les mêmes réalisateurs.

Baigner dans le sang : une habitude pour Melissa Barrera

Dents longues et longueurs

Contrairement au film porté par Samantha Weaving, Abigail se tire quelques balles dans le pied qui l’empêchent d’être l’égal de son prédécesseur. Le problème principal est sans doute le rythme, car après une mise en place enthousiasmante, avec l’enlèvement de la gamine et la découverte du manoir dans lequel ses ravisseurs vont la séquestrer, les longueurs s’accumulent. Certains dialogues s’étirent péniblement pour justifier des incohérences d’écriture et des retournements trop prévisibles (notamment lors de la séquence qui voit Abigail enfermée dans une cage au sous-sol et négocier sa libération avec le personnage de Dan Stevens), et l’humour se fait trop rare pour pallier l’ennui qui s’ensuit.

Car, pour un film d’horreur, Abigail ne cherche pas tellement à faire peur, et pour une comédie, il ne cherche pas non plus suffisamment à faire rire. Si tout est plaisant et amusant, rien n’est aussi fou, drôle et bien ficelé que dans Wedding Nightmare. Raison pour laquelle la redite de personnages qui explosent, même si l’image fonctionne encore, fait un peu office de béquille pour forcer du jusqu’au-boutisme dans un film qui en recèle finalement très peu, et à qui il manque les deux ou trois très bonnes idées qui en auraient fait une perle. Par ailleurs, le long-métrage souffre de son marketing, fondé sur la mise en avant de la monstrueuse ballerine.

Le Black Swan gore

En réalité, la révélation du fait qu’Abigail est une menace pour ses ravisseurs n’arrive que tard dans le film, et est construite pour être un véritable twist, mais qui est malheureusement gâché d’avance par les affiches et la bande-annonce. De ce fait, si la première partie n’est pas ratée, elle prend un certain temps à ménager un effet que le spectateur connaît par avance, ce qui plombe encore le rythme de l’ensemble. Une fois la révélation faite, Abigail prend le parti de de verser dans le vampire dévoreur et destructeur, davantage monstre total que créature romantique. Et pourquoi pas !

Mais, là aussi, le film hésite sur le genre d’univers et de références qu’il souhaite adopter, puisque la fin (par ailleurs réussie) voit revenir toute une batterie de codes vampiriques plus classiques, qui s’emboîtent assez mal avec le reste du film. Bref, Abigail peine à choisir entre horreur et comédie (et finit par ne faire ni tout à fait l’un ni tout à fait l’autre plutôt de marier les deux aspects), peine à choisir entre les vampires de 30 jours de nuit et ceux de Dracula, et peine à choisir entre narration frontale et film à twist. Heureusement, il reste suffisamment de beaux moments pour sauver le soldat Abigail.

Enième murder party cinématographique

Monster very High

L’une des forces évidentes du film réside en son casting : Melissa Barrera continue de tracer sa route en tant qu’héroïne de film de genre, et le ton décalé de celui-ci lui convient mieux que l’écriture figée et codée dont elle pâtissait dans Scream 5 et 6. À ses côtés, Dan Stevens s’éclate autant qu’il éclate le spectateur dans le rôle d’un malfaiteur malin mais pourri jusqu’à l’os, empêtré dans son égo surdimensionné (et son look pourrave). Les meilleures scènes du film sont sans doute celles qui le voient basculer du côté (encore plus) obscur de la vilénie.

Dans le rôle-titre, la jeune Alisha Weir étonne par son implication et son énergie, navigant avec une facilité désarmante entre le rôle de l’enfant innocente et effrayée et celui du monstre redoutable et manipulateur. Et avec sa tête de grand méchant couplée aux airs gentiment crétins de son personnage, Kevin Durand assure sans doute le meilleur ressort comique du film. Et avec tout ça, on en oublierait presque de l’apparition magistrale de Matthew Goode dans un rôle taillé sur mesure dont rien ne sera révélé ici…

Quand ta grande sœur refuse de t’emmener à la fête

Ces atouts majeurs en poche, Abigail se voit exc un certain nombre de faiblesses ou d’erreurs d’écriture, d’autant que, tout comme dans Wedding Nightmare, le décor dans lequel évoluent ces personnages se transforme petit à petit en terrain ludique et extensible, que le spectateur voudrait explorer à l’infini. Et c’est avec le grand final, certes moins parfait et moins intelligent que celui, lourd de sens, de Wedding Nightmare, que l’amusement du spectateur atteint son apogée : si l’attente fut longue, l’acte ultime réveille et réjouit dans le sursaut cathartique tant attendu. En somme, si plusieurs étapes de la recette sont indéniablement ratées, Abigail parvient à régaler son public et signe, pour le plus grand plaisir de celui-ci, le véritable retour de Tyler Gillett et Matt Betinelli-Olpin aux commandes d’un cinéma d’horreur fun et généreux.

Rédacteurs :
Résumé

Revenus de leurs pérégrinations Screamesques, Gillett et Betinelli-Olpin reviennent au ton décomplexé et satirique qui leur va si bien. Beaucoup plus maladroit que Wedding Nightmare, Abigail fait tout pour être comparable à son aîné sans y parvenir, mais n’en demeure pas moins une partie de plaisir.

Autres avis
  • Mathieu Jaborska

    La même recette que dans Wedding Nightmare en beaucoup, beaucoup plus lourd et beaucoup, beaucoup plus laborieux. Heureusement, c'est parfois plutôt drôle.

Tout savoir sur Abigail
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Commentaires
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Camille
Camille
il y a 1 année

Bonjour Judith, merci pour cette chronique du film, là j’avoue que je suis totalement alignée, je n’ai pas trouvé ça parfait (je regrette les persos assez clichés) mais néanmois j’ai é un super moment!!! J’ai rigolé, j’ai sursauté, j’ai adoré les effets gores… Bref, je recommande le film, de mon côté!!

Paul
Paul
il y a 1 année

Merci d’avoir spoiler le film avec ce visuel de l’article !

Poulozedor
Poulozedor
il y a 1 année

Weeding nightmare c’était nul de chez nul 😂 sinon Abigail ça ce regarde mais aussi vite Vu aussi vite oublié…

Lavérité
Lavérité
il y a 1 année

Une grosse merde Abigail, encore un navet à 2€ pour payer les factures.

Aiden R Martin
Aiden R Martin
il y a 1 année

Quelles sont les qualités que vous avez trouvées à Wedding Nightmare ? Je ne l’ai vraiment pas beaucoup apprécié à l’époque (et j’ai détesté Abigail, je me rends compte que je n’ai vraiment plus aucune patience pour les personnages de bras cassés…)
En tout cas je suis tout à fait d’accord avec votre critique, notamment sur le manque de lore vampirique, script pas assez travaillé, longueurs, caméo de Matthew Goode qui m’a fait bondir sur mon siège.

Yoyo
Yoyo
il y a 1 année

Arrêtons de perdre notre temps d’écrire un poème sur ce film.
C’est un gros navet

Trashyboy2
Trashyboy2
il y a 1 année

Tout est dit. Si l’ensemble est plutôt fun, la seconde partie souffre de longueurs et, pour ma part, je regrette que les réalisateurs aient un peu trop calqué leur film sur Wedding nightmare. Original donc, mais pas trop.

Gcm
Gcm
il y a 1 année

Vu sans connaître le pitch du film ni B.A ni rien, donc sans l’horrible marketing, ça change tout et j’ai é un bon moment

Evaman10
Evaman10
il y a 1 année

D’accord avec votre critique. Fun, mais un brin longuet quand on attend le déferlement promis par la promo.
Mais très sympa malgré tout.

Sanchez
Sanchez
il y a 1 année

C’est les reals de scream ? On leur donne du boulot ? Étonnant