Quels sont les meilleurs et les pires épisodes de la Netflix ? Notre critique de la nouvelle saison de l’anthologie SF.
La saison 7 de Black Mirror est enfin arrivée sur Netflix, deux ans après la dernière saison en date. La série anthologique créée par Charlie Brooker et diffusée pour la première fois en 2011 sur la chaîne britannique Channel 4 est de retour pour toujours plus de fables dystopiques et de malaises révélateurs des dérives de notre société malade et de sa technologie hors de contrôle… Composée de 6 épisodes de durées variables, mais toutes généreuses, cette saison gâte les fans et en profite pour innover.
Entre une suite directe à l’un des épisodes les plus connus de la série et le retour d’un personnage clef du court-métrage interactif Bandersnatch, Black Mirror septième du nom est riche en surprise, certaines meilleures que d’autres. La rédaction d’Ecran Large s’est partagé le travail pour er en revue chacun de ces nouveaux épisodes.
ATTENTION SPOILERS !
De simples jouets
- Durée : 46 minutes
- Réalisé par David Slade
- Avec Peter Capaldi et Lewis Gribben

Dans un Londres proche du futur, un suspect de meurtre excentrique est lié à un jeu vidéo inhabituel des années 1990, un jeu peuplé de formes de vie artificielles mignonnes et en évolution.
Black Mirror peut agacer par son sens de la racole, et De simples jouets en est l’exemple parfait. Au-delà de sa structure narrative rebattue (Peter Capaldi se fait arrêter par la police, et enclenche par son témoignage une série de flashbacks), l’épisode compense son vide par un clin d’œil forcé à Colin Ritman, le développeur de jeu vidéo incarné par Will Poulter dans Black Mirror : Bandersnatch.
Mis à part ce caméo assez mal implémenté (on parle d’une scène), on en est encore au stade où un critique de jeu vidéo, Cameron, est dépeint comme un asocial à la limite de l’autisme. Au de la nouvelle création de Ritman, véritable créateur de vie numérique autonome déguisé en Tamagochi géant, le personnage se met évidemment à perdre pied, dans une escalade lovecraftienne d’un ridicule (presque) assumé.
Sur le moment, on se demande même si tout ça ne devrait pas être pris à la rigolade (Cameron comprend le langage abstrait de ses interlocuteurs en prenant de l’acide), mais Black Mirror semble tout de même très fier d’enfoncer des portes ouvertes sur la valeur de l’intelligence artificielle et sur “l’imperfection” inhérente à l’être humain (comprenez la violence, on est chokbar).
Quelques aberrations chromatiques et autres effets de contre-jour ne peuvent sauver l’évidence d’une progression cousue de fil blanc, au point où on grille le twist bien avant sa révélation. C’est à croire que De simples jouets n’a été pensé que pour sa nature d’objet marketing, qui a permis à Netflix de développer une expérience immersive via un QR code (présent dans le générique de fin) et une version mobile du jeu vidéo dépeint dans l’épisode. Du cynisme à l’état pur.
Note : 1,5/5
Hôtel Rêverie
- Durée : 1h17
- Réalisé par Haolu Wang
- Avec Issa Rae et Awkwafina

Une actrice cherchant à changer de registre décroche un rôle dans le remake d’un classique du Hollywood classique : Hotel Rêverie. Une fois sur le plateau, elle se rend compte qu’elle va devoir rejouer le film en temps réel dans une simulation générée grâce à l’intelligence artificielle.
Il fallait bien que Black Mirror s’empare des problématiques autour de l’industrie du divertissement et du cinéma qui ont transformé les réseaux sociaux en véritables champs de bataille. C’est chose faite avec cet Hôtel Rêverie, qui brasse à peu près tous les sujets brulants comme autant de cases à cocher : obsession nostalgique, faignantise des studios, dédain du patrimoine, révisionnisme artistique, changement de genre et d’ethnie des personnages et bien sûr intelligence artificielle générative… Un véritable bingo.
Il faut lui reconnaitre une certaine audace : il en fallait pour critiquer le désintérêt complet des services de SVoD pour le cinéma de patrimoine sur… Netflix. Il en fallait aussi pour transformer cette pure dystopie en romance et couper l’herbe sous le pieds des réacs. Le personnage joué avec intensité par Emma Corrin incarne cet idéal féminin encore aujourd’hui brandi en étendard traditionnel… alors que les stars de l’époque souffraient évidemment des modalités de cet « âge d’or ».

Le genre, la sexualité, la couleur de peau… Leur ission dans la culture populaire ne tient qu’à un code, celui de son temps et celui de la machine, qui se confondent ici. Le scénario est indéniablement touchant lorsqu’il rend une intimité aux anciennes vedettes du 7e art.
En revanche, lorsqu’il se risque à pasticher la nature algorithmique du blockbuster contemporain, il enchaine les poncifs dignes d’une fanfiction : les enjeux scénaristiques s’affichent sur des jauges, les trous narratifs se colmatent en direct… La durée un poil excessive de l’ensemble ne l’empêche malheureusement pas de redre la longue liste des épisodes « bien, mais pas top » de la série.
Note : 3/5
Des gens ordinaires
- Durée : 57 minutes
- Réalisé par Ally Pankiw
- Avec Rashida Jones, Chris O’Dowd et Tracee Ellis Ross

Mike et Amanda Waters, couple sans histoire, voient leur vie chavirer quand Amanda est frappée d’une tumeur au cerveau. Une start-up, Rivermind, leur tend alors une planche de salut : une opération cérébrale gratuite pour réparer la partie de son cerveau endommagé.
Avec Des gens ordinaires, Black Mirror revient à ce qu’elle sait faire de mieux : injecter une dose d’horreur technologique glaciale dans le quotidien le plus banal. Le pitch est simple, presque trop : et si même notre esprit n’était plus à nous ? Ce que l’épisode réussit brillamment, c’est la lente contamination du drame intime par une logique économique déshumanisante. L’esprit d’Amanda, envahi de publicités intrusives, devient un terrain de jeu pour le capitalisme. On croyait que le cerveau était notre dernier espace libre ? Plus maintenant.
Rivermind, c’est le visage lisse et souriant de la cruauté algorithmique. Régulièrement le prix de l’abonnement augmente. Amanda se dégrade. Mike s’enfonce. Jusqu’à vendre sa propre dignité sur “Dum Dummies”, une plateforme de streaming sadique où l’humiliation devient monnaie d’échange. On pense aux Thanatonautes de Bernard Werber, où même l’au-delà est colonisé par la pub. Ici, c’est la conscience d’Amanda qui tombe sous la coupe du marché.

La mise en scène reste sobre, presque clinique, ce qui rend l’effroi plus percutant. Pas d’esbroufe, juste une descente inexorable dans une dystopie véritablement plausible. Le contexte n’est pas futuriste, c’est celui de notre monde bien réel. Et c’est peut-être ce qui glace le plus : ce cauchemar, on y touche déjà du doigt.
Black Mirror signe un retour au format qui a fait sa force : une fable noire, cynique, et désespérément crédible. L’horreur n’est pas dans la technologie elle-même, mais dans ce que des gens ordinaires — nous — acceptent de sacrifier pour l’utiliser, jusqu’à un final apocalyptique, froid et brutal.
Note : 3,5/5
Bête noire
- Durée : 50 minutes
- Réalisé par Toby Haynes
- Avec Siena Kelly et Rosy McEwen

Talent incontournable dans une entreprise de luxe qui met au point des desserts originaux au chocolat, Maria recroise un jour la route de Verity, une ancienne camarade d’école. Et très vite, cette étrange jeune femme s’immisce dans sa vie et la rend infernale, sans que personne ne le remarque…
Bête noire est l’une des meilleures surprises de cette saison 7 parce qu’il retrouve le meilleur de Black Mirror : une histoire ancrée dans une simple réalité humaine, et boostée par la possibilité de la SF. Écrit par Charlie Brooker, l’épisode est délicieusement drôle et cruel, avec un savant mélange entre les rires (grinçants) et l’émotion.
Il y a deux idées toutes simples, mais tout à fait géniales dans le scénario de Bête noire. La première : il suffit qu’un mensonge soit répété pour qu’il devienne réalité. À la sauce Black Mirror, on a donc Verity qui transforme en… vérité (voyez la subtilité de l’écriture) tout ce qu’elle dit, grâce à un super-gadget lui permettant d’utiliser les réalités parallèles. Personne ne prend la peine d’expliquer le fonctionnement de ces super-ordinateurs parce que c’est un détail dans l’histoire, qui raconte autre chose.

La deuxième : on n’oublie jamais un traumatisme d’adolescence, même si on continue sa vie et qu’on accomplit de grandes choses. C’est potentiellement un boulet qu’on traîne toute sa vie, avec regret et rage. L’épisode pousse cette idée aussi loin que possible, puisque Verity a utilisé sa création afin d’empiler les rêves, devenant même impératrice de l’univers. Pourtant, rien ne lui a permis d’oublier, et encore moins de pardonner.
C’est là que Bête noire, réalisé par Toby Haynes (déjà derrière les épisodes Demon 79, USS Callister et sa suite USS Callister : Into Infinity), devient véritablement intéressant : en racontant si bien l’immense tristesse de ce personnage, interprété par Siena Kelly, est la cerise sur le gâteau de chocolat. De quoi en faire un épisode tout à fait solide, à défaut de réinventer la roue.
Note : 3,5/5
Eulogie
- Durée : 47 minutes
- Réalisé par Chris Barrett et Luke Taylor
- Avec Paul Giamatti et Patsy Ferran
Un homme solitaire est initié à un système révolutionnaire permettant aux utilisateurs de pénétrer à l’intérieur de vieilles photos et de ressentir ainsi de très fortes émotions.
Black Mirror n’a jamais été aussi forte et ionnante que dans ses épisodes où les émotions humaines sont véritablement au centre de l’équation. C’était surtout le cas de ses premières saisons (pré-Netflix), où la technologie avait évidemment un rôle majeur, mais ne devenait jamais un simple gadget narratif. Au contraire, elle venait appuyer les dynamiques entre les personnages, leurs relations, leurs souvenirs, leurs regrets… pour mieux rendre compte de leurs sentiments, leurs personnalités et leurs conflits intérieurs.
Et c’est justement ce que réussit (presque) parfaitement Eulogy dans cette saison 7. La technologie y joue une place prépondérante, la société « eulogy » permettant à ses clients d’explorer des photos de leur é en rentrant à l’intérieur. Le moyen de se plonger dans la nostalgie du é, de réanimer des souvenirs confus et possiblement retrouver des sourires perdus.

Plus profond encore, la technologie en question devient une sorte de sérum de vérité, obligeant le personnage principal à affronter ses mensonges, remettre en question la mémoire qu’il s’est fabriquée et retrouver le sens des éléments qu’il avait (in)volontairement oubliés. Ici, Black Mirror ne met plus en cause la responsabilité des technologies sur les dérives de la société, mais, au contraire, pointe du doigt les impostures pleinement humaines, véritable vecteur de drames intimes et universels.
Bien sûr, on sent rapidement venir le petit twist de milieu d’épisodes tout autant que les révélations concernant le protagoniste et son é. Mais c’est si délicat et émouvant, le tout porté par la sublime performance de Paul Giamatti, évidemment parfait dans ce rôle d’homme isolé et désagréable.
Note : 3,5/5
USS Callister : Into Infinity
- Durée : 1h28
- Réalisé par Toby Haynes
- Avec Cristin Milioti et Jimmi Simpson

L’équipage du USS Callister survit clandestinement dans le monde ouvert du jeu vidéo Infinity en volant des crédits aux joueurs extérieurs, jusqu’à ce que le grand patron décide de débarrasser sa poule aux œufs d’or de ces parasites humains.
USS Callister : Into Infinity était sans doute l’un des épisodes de la saison qui étaient le plus attendus, pour la simple et bonne raison qu’il est la suite directe de l’épisode USS Callister de la saison 4. C’est la première fois que la série d’anthologie se risque à l’exercice de la suite, et le pari était d’autant plus risqué que la fin de l’épisode original était particulièrement forte.
L’équipage du vaisseau façon Star Trek, composé de clones numériques de personnes réelles projetés dans l’univers d’un jeu en monde ouvert contre leur gré, partait à la découverte de cet infini qui serait, désormais, plus leur avenir que leur prison. Le grand méchant (Jesse Plemons), lui, se retrouvait coincé dans le néant, incapable de bouger ou d’interagir avec une quelconque forme de vie, et ce pour l’éternité. Si cette suite est réussie, car elle l’est, c’est parce qu’elle ne cherche à aucun moment à surer l’épisode original en termes d’angoisse ou de perversité.

Fort d’un sacré second degré, ce segment est presque essentiellement une comédie, à ceci près que les dilemmes des personnages sont traités avec le sérieux qui leur est dû. On a beau y retrouver un grand méchant très méchant et l’évolution terrifiante de la technologie, on est bien loin du ton excessivement cruel (et parfois assez poseur) qui a longtemps caractérisé la série. Sans traiter ses enjeux par-dessus la jambe, cet épisode assume de vouloir raconter une aventure qui est terrible, certes, mais aussi fun et sujette à bon nombre de blagues (souvent potaches).
Into Infinity n’est peut-être pas l’épisode de Black Mirror le plus bouleversant, le plus satisfaisant ou le plus dérangeant, mais à son échelle, il parvient à dénoncer en donnant le sourire, et à surprendre jusqu’au bout (la fin rappelle avec ironie un célèbre Pixar, et on ne s’y attendait pas du tout). Un petit plaisir à ne pas bouder, dans lequel Jimmi Simpson s’amusent au moins autant que les auteurs et le public.
Note : 3,5/5
« des gens ordinaires » m’a terrorisé. J’avais pas ressenti ça depuis « chute libre »… Waow
Eulogy est un sublime épisode et m’a rappelé des souvenirs : 5/5.
Par contre l’épisode dans l’espace… la 1ère partie suffisait à elle-même : 1/5
Bon ben la question est : est ce qu’ils ont réussi à faire aussi mauvais que la précédente où pas ? (perso tous les épisodes étaient des énormes purges, comme bien 1/2 de la précédentes…)
Je crains qu’ils n’aient plus rien à dire, c’est comme ça
Hâte de voir ça ! 🤩🍿
J’ai attendu plus d’un an avant de voir cette dernière saison et je ne suis pas déçu… Chaque épisode arrive avec leurs lots de surprises… J’ai même versé une petite larme à la fin de l’épisode Eulogy…
A part le premier épisode ça a l’air quand même globalement vraiment pas mal !