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Tomb Raider : La légende de Lara Croft – critique d’un game over sur Netflix

Par Geoffrey Crété
12 octobre 2024
MAJ : 13 octobre 2024

Lara Croft est de retour, mais cette fois en série, sur jeux Tomb Raider, le projet avait de quoi intriguer. Verdict.

© Canva Netflix

UN TOMB RAIDER POUR LES UNIR TOUS

C’est la showrunneuse de la série, Tasha Huo, qui l’a dit : Tomb Raider : La légende de Lara Croft va « réunir les timelines de Tomb Raider », et servir de « transition après la trilogie Survivor pour commencer à suivre les aventures de Lara qui mèneront aux premiers pas du premier jeu Tomb Raider ». Une idée illustrée par la présence simultanée de Jonah et Zip, deux compagnons d’aventure de Lara Croft dans des parties différentes de son histoire.

L’ambition est peut-être belle pour Crystal Dynamics, qui gère la franchise depuis 2003, mais elle est légèrement casse-gueule. En plus de réécrire une énième fois l’histoire, puisque le jeu de 2013 ne serait plus un reboot mais un prequel qui écrase encore une fois l’origin story de l’héroïne, il y a la question à mille points. Comment er de la Lara Croft de la trilogie Survivor (sentimentale, sociable, attachée à sa famille) à celles des premiers jeux (solitaire, austère, froide) ?

La série Netflix ressort une réponse bien connue : Lara Croft se construit par rapport à quelqu’un d’autre. Il y avait eu Werner Von Croy dans Tomb Raider : La Révélation finale (1999), sa mère et sa copine Amanda dans Tomb Raider : Legend (2006) et Tomb Raider : Underworld (2008), Conrad Roth dans Tomb Raider (2013), et son père dans Rise of the Tomb Raider (2015) et Shadow of the Tomb Raider (2018).

Tomb Raider : La légende de Lara Croft se contente de recycler les deux derniers pour installer un nouveau personnage : Charles Devereaux, mi-figure paternelle (cheveux gris oblige), mi-alter ego (chasseur de trésor téméraire). C’est lui qu’elle va affronter pour retrouver de légendaires boîtes liées à la mythologie chinoise, dans une espèce de course aux artefacts à la Thanos qui pourrait évidemment provoquer une énième apocalypse.

série netflix Tomb Raider : La légende de Lara Croft
Lara et les garçons

LA RÂLE CROFT

Dans Tomb Raider : La légende de Lara Croft, il y a donc beaucoup (trop) de personnages. Il y a Jonah et sa copine Abby rencontrée dans Shadow of the Tomb Raider, Zip de l’autre côté de l’oreillette, mais aussi la copine française Camilla Roth, le pote de Jonah nommé Leo, et quelques PNJ posés sur la route.

Tous sont là pour faire parler l’héroïne, prouvant que la série est d’abord une suite de la trilogie Survivor, où Lara Croft n’avait jamais autant étalé ses sentiments. C’est un choix facile, qui continue à édulcorer le personnage, mais le véritable problème est ailleurs : dans l’écriture lourdingue de cette production Netflix supervisée par Tasha Huo (scénariste sur plusieurs épisodes du navet The Witcher : L’héritage du sang).

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Et même pas d’affreux faux accent français, dommage

Non seulement la série rejoue les mêmes idées que la trilogie Survivor (Lara met ses proches en danger, Lara se sent coupable, Lara ne veut l’aide de personne), mais c’est avec quelques kilos de niaiserie supplémentaires. C’est particulièrement magique sur Jonah, faire-valoir et disque rayé que la série utilise encore plus mal que les derniers jeux. Quand il n’est pas laissé pour mort pour forcer une pauvre émotion sur le visage de l’héroïne, il lui déroule des discours sur l’amour, l’amitié et la vie qui donnent envie de faire exploser quelque chose (cheat code disponible dans Tomb Raider II).

La série essaye bien d’interroger le tempérament de Lara Croft, en allant même jusqu’à parler de pulsions de mort derrière ses exploits. Mais tout ça est englouti par des facilités scénaristiques monumentales, avec des répliques qui devraient être interdites (« Les gens qu’on aime sont le vrai trésor qu’on ne trouve pas dans une tombe »), jusqu’à un combat final qui se résume quasiment à la victoire du pouvoir de l’amour et de l’amitié.

Autrement dit : ça parle beaucoup dans Tomb Raider : La légende de Lara Croft, et ça aurait mieux faire de se taire.

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Stop avec Jonah svp

FLOOR IS LARA

Bonne nouvelle néanmoins : la série bouge autant qu’elle bavarde. Fidèle à la tradition de globe-trotter des jeux, Tomb Raider : La légende de Lara Croft e par la Chine, la Turquie, la ou encore l’Iran. L’héroïne traverse de nombreux paysages urbains et naturels, allant d’une ville à un train, d’un désert à une jungle, et surtout d’un temple à un autre.

A ce niveau, la série renoue avec le Tomb de Tomb Raider, contrairement à la première partie de la trilogie Survivor. Elle ressemble ainsi à un best of de Lara Croft avec une multitude de pièges, d’énigmes, et de décors invraisemblables, où elle devra escalader, nager et éviter de tomber dans la lave.

série netflix Tomb Raider : La légende de Lara Croft
Le piolet est bien évidemment là

En ramenant quelques ennemis bien connus, qui vont du crocodile à bien plus gros reptile, Tasha Huo rend évidemment hommage aux jeux. Et en allant à l’opposé du film Tomb Raider avec Alicia Vikander, qui avait rationalisé le surnaturel à l’extrême, la série rouvre en grand les portes du fantastique.

L’animation a beau être très conventionnelle, difficile de ne pas saluer la générosité de l’aventure, qui enchaîne les visions fantasmagoriques et merveilleuses. La série n’a peur de rien, ni des gargouilles géantes, ni des portails magiques, ni des temples au-delà du réel. Et si certaines images dignes de Sailor Moon vont beaucoup trop loin, Tomb Raider : La légende de Lara Croft tranche avec la tiédeur grisâtre des récents jeux, pour retrouver un peu de cet aspect pulp des aventures d’origine.

série netflix Tomb Raider : La Légende de Lara Croft
Lave tes péchés

LA FAIM DE LA FIN

Le problème, c’est que tout ça ne va finalement nulle part. Dans la série Netflix, Lara Croft fait le deuil de son père, comme dans la trilogie Survivor. Elle apprend à compter sur les autres et maîtriser ses émotions, comme dans les derniers jeux. Elle retrouve ses deux flingues emblématiques dans une scène spectaculaire, comme à la toute fin du reboot prequel de 2013.

Quand le dernier épisode se conclut sur l’enlèvement de Sam (comme dans le jeu de 2013) et la découverte d’un vaste réseau mondial de grands méchants brigands (comme Trinity), il y a de quoi se demander à quoi rime cette suite-remake-reboot-hommage.

série netflix Tomb Raider : La légende de Lara Croft
Lara décroche

Le dernier épisode est presque un cadeau empoisonné. Alors que Lara Croft a stoppé le grand méchant, elle doit sauver le monde en ramenant les précieux artefacts dans un temple, perdu dans une dimension hallucinée. Pour y arriver, elle devra activer tout un tas de mécanismes, traverser une vallée perdue peuplée d’animaux disparus, et même affronter un boss final qui ravira les fans.

Certes, Jonah est dans ses pattes, mais Lara Croft baigne ici dans du pur Tomb Raider, gargantuesque et spectaculaire. Pourquoi ne pas avoir fait de cet épisode la note d’intention de toute la série ? Pourquoi avoir créé autant de personnages et blabla, au lieu de simplement plonger dans l’aventure ?

Dans un autre monde, la série Tomb Raider aurait ressemblé à Primal, la géniale série de Genndy Tartakovski (et donc aux premiers jeux) : une Lara Croft quasi seule et mutique, face à un monde infiniment grand, merveilleux et dangereux, où elle doit avancer d’épreuve en épreuve, de rencontre en rencontre.

Mais dans celui de Netflix et Crystal Dynamics, il n’y qu’une toute petite aventure, beaucoup trop facile et conventionnelle pour être à la hauteur d’une saga étalée sur près de trente ans et une douzaine de jeux.

Tomb Raider : La légende de Lara Croft affiche série Netflix
Rédacteurs :
Résumé

Il faudra encore attendre pour une vraie bonne adaptation des jeux vidéo. Parfaitement banale et oubliable, la série Tomb Raider : La Légende de Lara Croft tourne en rond autour du personnage, sans prendre aucun risque ni faire avancer quoi que ce soit.

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cdlx
cdlx
il y a 7 mois

Une merveilleuse déception…
Un gloubiboulga scenaristique qui essaie de créer du lien entre les différents jeux.
Un chara-design pretendument cool mais juste dans l’archetype du wokisme ambiant actuel.
Une animation à peine digne de la serie animée X-Men des années 90 avec des similitudes dans les postures et les expressions faciales de l’époque, minimaliste au possible avec des moues caricaturales se voulant très « Comics ».
Le pire est vraiment cet inable aspect saccadé, par manque de transition dans les animations et ses 6 fps…
Seuls les decors s’en sortent plutôt bien, même si les séquences d’actions en 3d sont très inégales.
Bref, un sous-produit typique de la boite au Toudoum…
Ils ne peuvent pas confier toutes leur prod animée au studio Fortiche 😅

thibaultcapdevielle
thibaultcapdevielle
il y a 7 mois

Mouais bof, ce sont les mots qui me viennent à l’esprit en repensant aux 5 premiers épisodes.
Je vais être assez direct… elle est é où sa poitrinaire ? Entre les premiers opus du jeux et cet anime on a l’impression que ce n’est plus le même personnage… ensuite, je savait pas qu’elle avait une attirance pour les femmes.. d’après ce que je sais elle a eu plusieurs boyfriends mais des femmes ??? Encore le côté wokiste ?
Pour le reste, l’animation est très moyenne, les studios ont encore beaucoup de mal à faire de belles animations, ou on va dire, œil ont leurs styles.

musashi1970
musashi1970
il y a 7 mois

J’ai vu que le premier épisode et j’ai trouvé l’histoire poussive, Lara n’est pas vraiment celle que j’aime dans les jeux avec son côté pleurnichard, sentimentaliste et dépressive, ça m’a pas donné envie de continuer. Pour une fois, je suis d’accord avec El….

jerome1
jerome1
Abonné
il y a 7 mois

Je te trouve un peu dur tout de même. L’intrigue global est très proche des derniers jeu certe. Et il y a des redites sur certains thèmes. Mais le caractère du personnage est bien plus proche des premiers jeux où elle est plus insociable et bourrine je trouve. Et la série raconte comment elle finit par se retrouvée seule à partir à l’ aventure pour ne mettre personne en danger, c’est très claire je trouve.
J’ai écouté votre podcast sur le sujet et sachant que tu es méga fan de la licence je pense que tu as placé trop d’ attentes sur cette série qui fait simplement une proposition autour du personnage. Mais il faut reconnaître qu’en termes d’animation et de gestion des phases d’actions et d’aventure la série est irréprochable. Et franchement c’est pas plus bidon que les scénarios des jeux qui parfois vont pas chercher bien loin.

kappa
kappa
il y a 7 mois

Si j’avais aimé le reboot de Tomb Raider 2013 et son origin story avec une Lara plus jeune, plus expressive, j’avais en effet détesté son évolution vers une Lara totalement névrosée et à la culpabilité surdéveloppée…
Pour moi, TR 2013 racontait le age d’une Lara peu assurée à une Lara déterminée et sur d’elle…
Quelle ne fut pas ma déception de voir une Lara toujours moins assurée et tjs avec des Daddy issues après que la précédente trilogie de jeu tournait autour de ses mummy issues…

Voir la série reprendre le même thème avec Conrad… ça suffit ! On peut vivre au présent un peu ? Franchement la psychologie de cette Lara du reboot me fait regretter l’ancienne Lara.

Et la série ressort tout ce qui était lourd dans les jeux.

Dès les premières minutes, la série crache sur TR2013.
Le surnaturel y est omniprésent. Entre le film avec Alicia Vikander qui nie le surnaturel et celui ci ou l’on a du surnaturel à tous les coins de rue, n’y avait t il pas un entre deux satisfaisant ?

Bref cette série est décevante et me fait peur pour les prochains jeux si cette franchise n’inspire pas plus les scénaristes…

gtb
gtb
il y a 7 mois

Bon, j’ai commencé la série et effectivement c’est très mid, surtout à cause de l’écriture. Actuellement en animation sur Netflix préférez largement DanDaDan, Du Mouvement de la Terre, Blue Box…ou même le remake de Ranma par MAPPA.

dorian
dorian
il y a 7 mois

Je viens de terminer les 8 épisodes. Je suis extrêmement partagé. Déjà la scène d’ouverture détruit une partie de la crédibilité de Tomb Raider 2013 en quelques secondes donc ça commence mal.
Pour le reste, ça oscille entre rares bonnes idées (les voyages, les énigmes, Zip) et beaucoup de mauvaises idées (la fixette sur le é, les personnages transparents, l’histoire mal menée…). Sans compter l’animation particulièrement désagréable à regarder : les personnages se mouvent de manière rigide, parfois grotesque mais surtout de façon complètement surréaliste en pleine action. Dommage car les décors sont souvent très réussis mais la technique n’est pas à la hauteur.
Le fait que Lara s’effondre en larmes plusieurs fois par épisode plaira sûrement aux fans de la dernière trilogie. Certainement pas à ceux qui pensaient que cette série nous ramènerait enfin une Lara badass et aguerrie.
Lara Croft souffre désormais d’une incurable schizophrénie, tiraillée entre plusieurs mythologies qui auraient gagné à ne jamais être réunies. Une jolie déception.

Lemming Masqué
Lemming Masqué
il y a 7 mois

« Il faudra encore attendre pour une vraie bonne adaptation des jeux vidéo. « 

Ou alors laisser cette franchise mourir de sa belle mort et lui foutre la paix. Raconter une histoire dans un jeu vidéo et une série (ou un film) sont deux choses très différentes avec des rythmes, une gestion de la narration qui leur sont propres.

Alors on peut faire l’effort mais honnêtement, qui mettra les moyens et le temps là dedans ?

Ui
Ui
il y a 7 mois

6 images, 2 vidéos YouTube et 1 podcast, ça fait beaucoup là non dans une critique ?