Elden (bling) Ring
Malgré ses ambitions différentes du jeu d’origine, Nightreign sent Elden Ring à plein nez. Même le plus réticent des puristes ne pourra nier qu’on retrouve dès les premières secondes tout le charme de cet univers somptueux. De son menu principal (et ses premières notes de piano si identifiables) à ses cinématiques précieuses à la sobriété poétique. La direction artistique sublime, la rugosité du gameplay, le recyclage des textures : tout est là, intact.
Même si on peut ne pas être client de la nouveauté, on ne pourra pas dire que Nightreign est une trahison. From Software expérimente, mais il ne fait aucun compromis sur l’essentiel : zéro microtransaction, zéro mode facile, zéro histoire claire. Huit héros jouables contre huit boss majeurs à décimer, c’est tout ce que vous saurez pour démarrer cette aventure et c’est déjà bien assez.
Nightreign n’est évidemment pas pensé pour révolutionner son univers ou apporter beaucoup de nouveautés. Il ne s’en cache pas. Le jeu se pense d’abord comme un best-of des autres titres du studio, avec quelques surprises. Tout au long de ses parties, il convoquera des boss venus tout droit d’Elden Ring et de Dark Souls pour se mettre en travers de notre route, tandis qu’on retrouvera des gameplay, armes et magies familières pour s’en défaire.
On retrouve ainsi en caméo les parades parfaites de Sekiro (à travers la classe de l’Exécuteur, qui est un régal) ou une héroïne rappelant Lady Maria de Bloodborne (la Duchesse) pour faire plaisir à toute la communauté de fans de From Software. Un fan service qui fonctionne plutôt très bien, ici. Tous ces clins d’œil sont condensés dans un Nightreign au rythme frénétique qui troque l’errance contemplative des titres habituels du studio contre une urgence brutale. Mélangeant battle royale et roguelite, Nightreign accélère tout : l’exploration, les affrontements, la prise de décision. C’est aussi là que l’idée du multijoueur prend tout son sens.

Ménage à trois
Après des années à voir les fans d’Elden Ring bricoler des mods pour parcourir l’Entre-Terre entre amis, From Software décide enfin de leur offrir une (més)aventure à vivre intégralement en coopération. Une idée brillante, sur le papier, mais qui nécessite pas mal d’ajustements pour ce tout premier essai du genre. L’équipe derrière ce stand-alone se lance dans des eaux inconnues (et sans Miyazaki à la barre) et a donc choisi de ne pas voir trop gros. Nightreign est ainsi moins généreux en termes de narration ou d’exploration, tandis qu’il consacre ses efforts à rendre son périple multijoueur aussi fun et dynamique que possible.
Le game design d’Elden Ring est donc entièrement repensé en ce sens. L’architecture verticale de la carte sert ici à faire du parkour effréné (les personnages sont bien plus habiles et rapides que dans le jeu de base), sans dégâts de chute – merci ! – alors que la nuit se ressert sur les joueurs à très grande vitesse. Pas le temps de souffler : il faut explorer à toute vitesse, couvrir le terrain en meute. On crie des ordres dans tous les sens, on change de trajectoire à la dernière seconde dans la panique, on essaye de secourir nos compagnons égarés… Pendant ce temps, l’environnement se terraforme peu à peu pour devenir notre principal ennemi. Et s’adapter à lui devient la mission la plus ardue du groupe.

Dans Nightreign, chaque partie lancée est une pièce dans un puzzle mouvant où il faut apprendre, mourir, réessayer. La tâche n’est donc pas seulement d’être bon aux esquives et de tuer le plus de monstres pour arriver au boss avec un niveau décent. Il faut aussi apprendre à s’adapter à tous les obstacles du jeu et en saisir chaque mécanique. L’aspect roguelite brille particulièrement dans cette capacité à faire grandir le joueur (et tout son groupe), par l’échec à l’apprentissage. On perd, mais on retient un pattern, un chemin, une stratégie à peaufiner.
Et quand ça e enfin ? L’exaltation est totale – d’autant plus qu’elle est partagée. Tout ça rappellerait presque l’époque des dizaines d’heures ées à suer sur des raids de MMO, où l’effort de chacun était essentiel pour la victoire collective. Quel labeur et en même temps… quel plaisir. Le hic, c’est que, pour que tout ça fonctionne dans Nightreign, la présence de deux amis est obligatoire. Le jeu est avant tout pensé pour cette expérience et, autrement, il devient juste pénible.

Les revers de Nightreign
Si le jeu est possible en solo, ce mode de progression est aussi ingrat que déplaisant. Bien évidemment, ça n’empêchera pas quelques aliens beaucoup trop talentueux de le finir de cette manière. Mais vraiment, Nightreign n’est pas conçu pour être fait seul. On peut jouer avec des inconnus, pourquoi pas. Mais l’aventure y perd cruellement en richesse émotionnelle. Après avoir fini une partie, on ne ressent pas la même joie ou frustration et la sensation de vouloir immédiatement y retourner avec une nouvelle stratégie n’est pas là.
Face à ce constat, on ne peut être qu’interloqué du choix de From Software d’avoir limité le jeu à des groupes de trois, uniquement. Pour un titre dont l’intérêt premier est de jouer avec des proches, il est curieux que le studio n’ait tout simplement pas pensé à plus de flexibilité dans ses modes de jeu. En particulier, l’absence d’un mode deux joueurs (idéal pour les couples, par exemple) est un oubli franchement inexplicable… Mais qui devrait être réparé à l’avenir heureusement, selon une annonce tardive des développeurs. Il vaut mieux tard que jamais.

Enfin, évoquons la rejouabilité, qui semble cruciale sur ce titre étant donné sa boucle de gameplay limitée (comme celle de tout roguelite). Au moins, la grande difficulté du jeu est déjà la garantie d’une bonne durée de vie. On ne tombera pas les huit boss majeurs facilement – et heureusement – et la persévérance sera de mise pour venir à bout de ces objectifs principaux. Ensuite, même une fois les boss vaincus, Nightreign propose des objectifs secondaires ardus et du contenu narratif à débloquer pour chaque classe de héros, poussant les joueurs à relancer quelques parties.
Il y a d’autres surprises en chemin, mais globalement, tout ça est assez léger. Elden Ring Nightreign ne sera pas une obsession pour tout le monde et l’aspect redondant du jeu (surtout pour les solitaires) se fera inexorablement ressentir. Et pourtant, en dépit de tout ça, le cauchemar de Nightreign reste jouissif.
Dans les bonnes conditions, avec les bonnes personnes et dans le bon état d’esprit, le jeu nous donne bien ce que l’on rêvait d’avoir à l’époque des mods coop d’Elden Ring, premier du nom. La promesse d’une odyssée collective où l’on doit survivre tous ensemble face aux revers de l’infortune. Rager ensemble. Hurler ensemble. Puis y retourner.
Elden Ring Nightreign est disponible sur PC, PlayStation 4, PlayStation 5, Xbox One, Xbox Series depuis le 30 mai 2025.
