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Lilo et Stitch : pourquoi le Classique de Disney est aussi génial (et pas le remake)

Par Déborah Lechner
1 juin 2025
© Disney Studios

Le remake de Disney de 2002.

En 2002, Lilo & Stitch, le 42e Classique de Disney réalisé par Dean DeBlois est sorti au cinéma et a eu un joli succès. Quoique « joli succès » serait presque un euphémisme, puisque le film a donné naissance à une des licences les plus puissantes du studio, comprenant quatre films d’animation, trois séries, dont une chinoise et une japonaise, et désormais un remake en prise de vues réelles.

Malheureusement, comme la promotion du remake l’a rappelé, cette franchise se résume aujourd’hui à Stitch, sa vie, son œuvre et ses milliers de produits dérivés. Sauf que Lilo & Stitch, c’est bien plus qu’une mascotte mignonne qui parle comme Gollum et saccage tout sur son age. C’est avant tout une belle et touchante déclaration d’amour aux marginaux, aux familles abîmées et aux mamans/grandes sœurs solo (Nani étant l’incarnation même de la charge mentale).

Osons le dire : Lilo & Stitch fait partie des meilleurs longs-métrages d’animation du studio aux grandes oreilles.

LILO, L’AUTRE ADORABLE PETIT MONSTRE

Durant son ère expérimentale, Disney s’est essayé à la comédie pure avec Kuzco, l’empereur mégalo, construit comme un buddy movie absurde et méta. De son côté, Lilo & Stitch était plutôt une petite incursion vers la science-fiction, et surtout une nouvelle ouverture culturelle après Pocahontas, Mulan et Kuzco. Ce qui n’empêche pas Lilo & Stitch de tenir la dragée haute en matière d’humour, et ça ne tient pas qu’aux pitreries ou baragouinages de Stitch (même si on les aime beaucoup).

L’humour et la fraicheur du Classique reposent autant, si ce n’est plus sur Lilo, assurément un des personnages les plus drôles, atypiques et attachants du catalogue Disney et un des rares jeunes enfants humains à être au centre de l’histoire. Après les douces et gentilles Wendy (dans Peter Pan), Penny (dans Bernard et Bianca) ou Jenny (dans Oliver et Compagnie), Lilo était assez unique en son genre : une fillette de six ans énergique, trop énergique même, mais aussi insolente, dramatique et pleine de répartie. Elle est parfois violente et impulsive, souvent maladroite avec les autres et semble vivre dans un monde bien à elle, fait de transgressions, de photographies « naturalistes » et d’Elvis Presley.

Lilo & Stitch
Les enfants sont formidables !

u n’inquiètesCe n’est d’ailleurs pas pour rien qu’Internet regorge de théories selon laquelle Lilo serait en fait une enfant autiste, certains fans neurodivergents s’étant tout particulièrement identifiés à elle. Il faut ajouter à cette personnalité tout en reliefs son débit effréné, ses craquages nerveux qui percent les tympans et ses répliques d’une franchise désarmante (« T’inquiètes pas David, elle aime tes fesses et ta nouvelle coupe de cheveux. Je le sais, j’ai lu son journal intime« ).

De quoi offrir au récit des ruptures de tons inattendus et comiques, comme quand elle demande à Cobra Bubbles s’il a déjà tué quelqu’un ou quand elle noie des cuillères vaudou dans un bocal à cornichon parce que ses copines « méritent d’être puniestoutes« .

Lilo a ainsi ouvert la voie à un autre type de personnage féminin, plus surprenant, caractériel et imparfait, à l’image de Vanellope (dans Les Mondes de Ralph) ou Riley dans Vice-Versa 2. Et avoir d’autres modèles que les nobles héroïnes à la taille de guêpe et aux cheveux parfaits, ça fait un bien fou.

Lilo & Stitch
Et une fois adulte, c’est à elle qu’on s’identifie parfaitement

« OHANA SIGNIFIE FAMILLE »

Oui, il y a une histoire d’extraterrestres qui débarquent sur Terre et de Confrérie Galactique dans Lilo & Stitch (pas la partie la plus développée du film, on en conviendra). Pourtant, au moment de sa sortie, le long-métrage était bel et bien le plus terre-à-terre du studio, c’est-à-dire le plus proche du « vrai » monde et des « vrais » problèmes des « vrais » gens, l’éloignant de fait des contes de fées et des récits purement métaphoriques qui composaient jusqu’ici la grande majorité des Classiques.

Si on laisse la toile de fond SF de côté, le film est l’histoire tristement banale de deux orphelines qui luttent au quotidien, contre la solitude, le surmenage, le deuil et les services sociaux qui menacent de les séparer. Même si la mort et le deuil sont des sujets déjà abordés chez Disney (Bambi et Le Roi Lion comme exemples ultimes), les parents de Lilo et Nani sont morts comme meurent des milliers de personnes chaque année/mois/semaine : dans un banal accident de voiture.

Jamais donc un Disney ne s’était autant mis à hauteur d’enfant, sinon à hauteur humaine, pour exposer avec le plus d’authenticité et de sensibilité possible les peines et les joies de cette micro-cellule familiale si fragile.

La chialade, mais la chialade intelligemment amenée

Certains arrière-plans sont certes très jolis, mais Lilo & Stitch brille bien plus par sa tendresse et sa pertinence émotionnelle que sa réalisation, somme toute basique. Entre les bêtises de Stitch et les gags cartoonesques, il y a les chamailleries entre sœurs, leurs moments de complicités et des séquences entièrement consacrées au ressenti des personnages (la réconciliation de Lilo et Nani après leur dispute, le départ de Stitch ou quand Nani est désespérée après avoir perdu Lilo). Ces scènes sont des bulles d’oxygènes dans ce récit hyperactif, des pauses bienvenues qui ramènent à l’essentiel : l’empathie.

De plus, Lilo a beau être une gamine solaire et naturellement joyeuse (c’est par exemple la seule qui sourit et semble s’am au cours de Hula), elle est aussi celle qui porte une grande partie de la charge dramatique de l’histoire, d’où la gravité et le ton étouffé de certaines de ses répliques, parmi les plus marquantes : « On est une famille brisée, n’est-ce pas ?« , « On me traite comme quelqu’un de différent« , « J’ai besoin d’un ami, de quelqu’un qui ne m’abandonnera jamais« , « C’était nous, avant« , « Je ne t’oublierais jamais, je n’oublie jamais ceux qui s’en vont. »

Lilo & Stitch
Tendresse communicative

JUSTICE POUR SOUILLON

Lilo & Stitch, derrière son caractère enfantin, ses designs ronds et son ambiance qui sent la crème solaire et le granité à la fraise, fait donc preuve de maturité émotionnelle, ce que Disney semble avoir de plus en plus de mal à accomplir. Il suffit de jeter un œil au remake, qui n’ose pas autant verser dans la violence et la détresse psychologique de ses personnages, à commencer par Nani qui est davantage préservée.

Voir le remake permet également de se rappeler combien l’écriture de l’original était maline et réfléchie, surtout pour rendre les sentiments des personnages intelligibles avec plusieurs repères offerts aux plus jeunes (que le remake a choisi de gommer). C’est le cas du parallèle entre Stitch et Le vilain petit canard ou Souillon, la poupée monstrueuse de Lilo, sorte de reflet de sa différence qui participe grandement à la caractériser et à cristalliser son mal-être.

Lilo & Stitch
Caractériser un enfant via son doudou, c’était simple et malin (donc le remake ne l’a pas fait)

C’est un objet très important, mais qu’elle n’hésite d’ailleurs pas à prêter à Stitch à son arrivée à la maison et à faire exploser pour le protéger de Jumba. Ce n’était pas explicité (et tant mieux), mais le fait qu’elle délaisse la poupée qui semblait être le centre de son univers à l’arrivée de Stitch n’était clairement pas anodin.

L’émotion se cache aussi dans les petits détails et secondes lectures tardives. Un exemple bien connu est celui de Doudou le poisson. Au début du film, Lilo explique à son professeur de danse que, tous les jeudis, elle apporte un sandwich à Doudou, un poisson qu’elle pense capable de faire venir le soleil. Cette peste de Mertle réagit en disant qu’elle est complètement cinglée, ce qui déclenche la bagarre. Et si effectivement l’explication de Lilo est assez lunaire sur le moment, elle prend un tout autre sens plus tard dans le film, quand elle explique à Stitch que ses parents sont morts dans un accident de voiture provoqué par la pluie. En extrapolant un peu, on devine qu’ils sont morts un jeudi…

Autant de grandes et petites raisons d’aimer sincèrement Lilo & Stitch (et encore, on n’a pas parlé de David… ), et pourquoi pas de le revoir avec un œil plus aiguisé, le film étant disponible en sur Disney+.

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Joey Joe Joe Jr Shabadoo
Joey Joe Joe Jr Shabadoo
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il y a 1 jour

C’est incroyable cette constance avec laquelle ceux qui font des remakes semblent ne pas comprendre les éléments clés de l’œuvre qu’ils adaptent !
.
Pas uniquement Disney, c’est pareil pour les mangas ou jeux vidéos adaptés….mais aussi les remakes de films français et inversement d’ailleurs (ce remake de Palm Springs 🙄)
.
Article très intéressant en tout cas. J’en veux bien d’autres de cet acabit à chaque nouveau remake 😇

leoboo
leoboo
il y a 1 jour

Bien plus que blanche neige, Lilo et Stitch m’a donné envie de le voir. Et quelle non déception, on retrouve presque les mêmes choses dans le live action que ce qui a fait le succès du dessein animé. Les personnages sont respectés l’histoire se ficelle correctement. Le dénouement est semblable.

Oui il manque certaine chose. L’extra-terrestre requin géant, certains gags jugé non applicable dans un 2025 aseptisé et pourtant le moment de distraction et de réflexion restent suffisant pour en faire un film regardable et loin d’être le mauvais film décrit dans l’article. On y retrouve par exemple le doudou vilain qui disparaît pour laisser la place a Stitch.
Je n’aime pas les live actions de disney et je trouve que c’est de la paraisse intellectuelle. Mais Lilo et Stitch n’est pas si pire. Il faut aussi arrêter le cinéma c’est de la detente tout n’est pas film d’auteur ou profondement intellectuelle. Il faut vivre le moment en se detachant et y repenser ensuite.
C’est loin d’être aussi raté voir meme c’est le meilleur live action de disney.

Cosmiku
Cosmiku
Abonné
il y a 2 jours

Superbe article, j’ai revu le film il y a quelques mois et en tant qu’adulte, j’ai vu que la réalisation était quand même plutôt sage, mais le fond m’a plus touché qu’à l’époque. Surtout Nani qu’on comprend mieux adulte que gosse devant le film.

Bien vu pour Souillon qu’elle finit par faire exploser, montrent son évolution !
D’ailleurs elle était une belle invention car elle montrait le fait que sa famille ne roulait pas sur l’or, face aux Barbies hors de prix, Lilo a fait sa propre poupée elle même. Cette scène où elle l’a jette puis vient la récupérer, si touchant…