Films

Crazy Kung-Fu : après Shaolin Soccer, le nouveau sommet comique de Stephen Chow

Par marvin-montes
22 août 2023
MAJ : 22 août 2023

Aussi drôle que sincère et ionné, Crazy Kung-Fu marque le second sommet international de Stephen Chow.

Crazy Kung-Fu : Après Shaolin Soccer le nouveau sommet de Stephen Chow

Trois ans après l'étonnant succès international de Crazy Kung-Fu.

Il ne faudra que quelques minutes du septième long-métrage dirigé par Stephen Chow pour voir le personnage principal, incarné par l'acteur-réalisateur, crever le ballon d'enfants médusés en se fendant d'un implacable : "Fini le football." Survenu trois années plus tôt, le succès de Shaolin Soccer — aussi attendu sur ses terres qu'inespéré hors de ses frontières — est bien de l'histoire ancienne pour le roi de la comédie HK, qui se dirige désormais vers le projet dont il a rêvé toute sa vie.

Célébré dans toute l'Asie depuis les années 1990 pour sa gestion inégalable de l'absurde, héritée du traditionnel Mo Lei Tau cantonais, Chow n'a, après plus de 15 ans d'une prolifique carrière, plus rien à prouver sur les terres de la comédie. Mais l'acteur-metteur en scène (Shaolin Soccer était son premier crédit de réalisateur unique, après cinq coréalisations) a grandi en irant ses propres héros : ceux des films de Kung-Fu. La reconnaissance internationale obtenue avec son métrage précédent donne finalement à Chow l'opportunité (et l'assise financière) de retranscrire à l'écran son plus grand fantasme.

 

Crazy Kung-Fu : photo, Stephen ChowIl connait le Kung-Fu

 

Stephen Chow origins

L'intention de la star est claire : derrière les apparences, Stephen Chow choisit de s'éloigner plus que jamais de sa zone de confort, pour s'intégrer lui-même au coeur des Kung-Fu Pians de son enfance, d'abord en s'appuyant sur le modèle d'intrigue traditionnel des films d'arts martiaux Hongkongais. Crazy Kung-Fu s'inscrit en effet dans la droite lignée des récits pédagogiques et progressifs du genre, en plaçant son héros au sein d'une logique d'ascension, ce dernier ne partant de rien pour se découvrir finalement des capacités exceptionnelles au travers du combat.

Dans le Shanghaï pré-révolutionnaire des années 1940, Chow incarne Sing, petit bandit aux ambitions médiocres. Déterminé à intégrer le terrible gang des haches, le candide malfrat tente de prouver sa valeur en escroquant les habitants de Pig Sty, quartier majoritairement occupé par d'anciens maitres des arts martiaux soucieux de tirer un trait sur leur é de combattants. Malheureusement, l'incompétence manifeste de Sing attire les véritables membres du gang des haches au sein de cette retraite improvisée.

 

Crazy Kung-Fu : photoLe havre de paix (mais ça, c'était avant)

 

Au milieu du conflit, Sing va évidemment devoir choisir son camp, mais surtout assister au retour au premier plan des héros du é. Car Crazy Kung-Fu est moins un film d'arts martiaux qu'un métrage traitant du cinéma d'arts martiaux, à la portée métafilmique certaine. Comme autant de combattants laissés en arrière par une implacable modernité, les habitants de Pig Sty sont, pour la plupart, incarnés par d'anciennes vedettes éphémères du Kung-Fu Pian, délaissées par la métamorphose constante de la très versatile industrie du septième art de Hong Kong.

La distribution du film peut donc se muer en véritable bingo à destination des connaisseurs, adeptes des seconds couteaux des productions locales. Parmi eux, nous retrouvons l'illustre moustachu Yuen Wah. Ancien membre des "sept petites fortunes" de la China Drama Academy — aux côtés de Sammo Hung, Yuen Biao et bien évidemment Jackie Chan — et cascadeur productif (notamment pour Bruce Lee), Wah n'a jamais profité de la popularité accordée à ses camarades de formation, la faute à une carrière émaillée de cuisants ratages.

 

Crazy Kung-Fu : photo, Wah Yuen, Yuen QiuToujours la pêche

 

A ses côtés, l'irascible matrone du quartier est interprétée par Yuen Qiu, artiste martiale et pur produit de l'opéra de Pékin. En vue dans les années 1980, l'actrice avait elle aussi totalement disparu des radars. Son apparition remarquée dans Crazy Kung-Fu suffira à relancer durablement sa carrière.

Enfin, Leung Siu-lung prête ses traits à l'authentique brute du film. Pratiquant émérite de Karate et de Wing Chun, Leung est avant tout reconnu pour ses contributions à la bruceploitation, cette curieuse (et pas toujours glorieuse) période suivant le décès du petit dragon, au cours de laquelle il s'illustrait (la encore, pas toujours de la meilleure des manières) sous le pseudonyme de Bruce Leung. En jouant son premier rôle d'antagoniste dans le film de Chow, Leung met fin à une absence de quasiment trente ans.

 

Crazy Kung-Fu : photoOn voit plus trop la ressemblance, mais avant c'était troublant, promis

 

The Chow must go on

Évidemment, le roi de la comédie ne se contente pas d'accorder à ses ainés, dans un élan d'altruisme, la place qui leur a injustement été enlevée. En embrassant pleinement sa fonction de cinéaste post-moderne (que l'on pouvait déjà voir éclore dans les multiples références de Shaolin Soccer), Stephen Chow brouille sans cesse les lignes entre éisme nostalgique et progrès enthousiasmant. 

Ainsi, le réalisateur n'hésite pas à appuyer les racines classiques de son récit (articulé autour d'un développement personnel typique du genre, mais aussi de la lutte ancestrale entre arts martiaux du nord et du sud de la chine), tout en enrichissant sa fabrication d'une modernité assez inédite en Asie du sud-est. Armé d'un budget (solide pour une production locale) de 20 millions de Dollars (il en rapportera d'ailleurs près de 105), Crazy Kung-Fu ne lésine pas sur les effets numériques totalement ostentatoires.

 

Crazy Kung-Fu : photo, Stephen ChowL'élu

 

Employés par Chow en tant qu'éléments de mise en scène surréalistes, les effets spéciaux jamais dissimulés du film marquent un contraste symbolique et réfléchi entre un cinéma loué pour son authenticité (toujours présente dans Crazy Kung-Fu) et une industrie asiatique qui peine, dans les années 2000, à emboiter le pas à l'escalade technique hollywoodienne. Cette démarche, qui confine parfois au grotesque, est pleinement assumée par l'artiste aux multiples talents, et sera reconduite à plusieurs reprises, notamment dans The Mermaid ou dans les deux volets de Journey to the West.

 

Crazy Kung-Fu : photoCe plan nous dis quelque chose

 

The Chowsen one

Comme une réminiscence de la nouvelle vague HK des années 1970, Stephen Chow brille également, dans Crazy Kung-Fu, par son ouverture d'esprit, et sa capacité à intégrer dans son récit comique traditionnel des citations et références venues du monde entier. Matrix est évidemment en première ligne au travers du gimmick de l'élu du Kung-Fu, mais aussi de quelques séquences empruntant directement à la scénographie de la saga des soeurs Wachowski. 

Chow s'autorise même, à plusieurs reprises, quelques incartades en terre cinéphile, en parsemant son métrage de citations pointues, pour en tirer une mixture cosmopolite assez gratifiante. Ainsi, nous pourrons assister à des dialogues reprenant littéralement quelques lignes de La règle du Jeu de Jean Renoir assemblées à d'autres issues du Spider Man de Sam Raimi, le tout déclamé dans un décor (et par des personnages) directement tirés du The House of 72 Tenants de Yuen Chor. Le vrai post-modernisme, on vous dit.

 

Crazy Kung-Fu : photoAh oui, les Blues Brothers

 

Enfin, difficile d'évoquer Crazy Kung-Fu sans mentionner la performance de Chow lui-même. Comme souvent à la frontière du ridicule, mais toujours d'une maitrise impressionnante, l'acteur use et abuse de son jeu ultra physique et de la mobilité impressionnante de son visage, qui lui valent d'être souvent qualifié (de manière probablement un tantinet réductrice) de "Jim Carrey d'Asie".

Toujours est-il que même si l'humour, directement hérité de la tradition cantonaise, de Chow peut toujours nécessiter une petite période d'adaptation, les multiples appels du pied de Crazy Kung-Fu en direction de la culture populaire occidentale font de ce septième film une oeuvre bien plus accessible que les précédentes (et sans avoir besoin d'être massacrée au montage, comme Shaolin Soccer en son temps, merci les Weinstein).

 

Crazy Kung-Fu : photoLe réalisateur face au montage occidental de Shaolin Soccer

 

Dernier point de satisfaction, et non des moindres : l'implication totale de Chow au cours de l'exécution des scènes de combats, sans pouvoir se prévaloir d'un véritable bagage d'artiste martial. Qui plus est, l'acteur-réalisateur joue une fois de plus la carte de l'opposition, en associant des chorégraphies impliquant des mouvements directement issus des Shaolin Kung-Fu Pians à des élans fantasques tout droit sortis des illustrations d'Akira Toriyama (Chow assouvira un autre de ses fantasmes, malheureusement diront certains, en produisant Dragon Ball Evolution).

Comme un symbole, la direction des scènes d'action de Crazy Kung-Fu, assurée dans un premier temps par le légendaire (et plutôt traditionaliste) Sammo Hung, seront achevées par le non moins illustre, mais plus aérien Yuen Woo-ping, déjà responsable des chorégraphies des Matrix ou de Tigre et Dragon. Le hasard fait bien les choses.

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Longduzboub
Longduzboub
il y a 1 année

N’étant malheureusement pas contributeur je ne peux pas accéder à la totalité de l’article, mais c’est tjrs agréable de voir que la critique s’intéresse tjrs à cet excellent film. Je ne sais pas si c’est abordé, mais il y a chez Chow cette capacité à mettre en boîte de très belles scènes d’émotions (en plus des bastons dantesques).
La fin du film, avec la caméra qui tourne autour des enfants (et la musique qui l’accompagne), est un grand moment de cinéma je trouve

Leepifer
Leepifer
il y a 1 année

Kung Fu Hustle est en effet l’aboutissement et l’ancrage de sa démarche de réalisateur entamé avec God of Cookery puis l’intermède désanchanté King of Comedy. Shaolin Soccer ayant servi de renaissance et de rampe de lancement.
Tout est absolument travaillé dans tous les secteurs du film.
Un classique instantané.
Il n’est pas artiste martial de formation mais il n’en était pas non plus à son premier coup d’essai dans un rôle ou il pratique le kung fu (au sens large du terme). Il a réellement travaillé et s’est entraîné durement pour ce rôle.
On ne le verra que cj7 après, sympathique comédie familiale ou il érode son rôle de looser.
Ses réalisations suivantes sont largement dignes d’intérêt, n’hésitez pas.
Comme d’autres, Sammo Hung, Tsui Hark, Yuen Woo-ping, Jackie Chan, Jet Li ou Donnie Yen, les frères Hui et j’en e des dizaines, il représente un pan du meilleur du cinéma HK des années 80/90.
Cinéma malheureusement aujourd’hui mort et enterré par la lente mais sûre récupération opéré par le gouvernement chinois après la rétrocession.
Revoir ses films reste un grand plaisir de cette époque révolue.

Grey Gargoyle
Grey Gargoyle
il y a 1 année

Hello,
Ah oui, Stephen Chow est un très bon réalisateur et acteur. Je garde un excellent souvenir de ces deux films sortis d’ailleurs en salles à l’époque.
Christophe Gans et Samuel Hadida avaient, dans les années 90, énormément contribué à populariser le cinéma de Hong Kong avec la collection HK Vidéo et la revue en kiosques. En parallèle, certains exploitants de salles n’ont pas hésité à sortir des films en salles que ce soit des nouveaux ou même des anciens. J’avais pu voir aussi The Killer en salle grâce à ça.
À l’époque, j’avais cru à tort après avoir vu les 2 films de Stephen Chow que celui-ci était un artiste martial. Un de mes amis, spécialiste du cinéma HK m’avait détrompé. Il est humoriste et acteur avant tout. Du coup, j’ai été encore plus impressionné par son travail sur les 2 films.
Stephen Chow a réalisé quatre films depuis cette époque, le dernier en 2019, mais son travail est désormais tourné résolument vers le public de Chine continentale. Par ailleurs, il fait de la politique à Guangdong.
Ceci explique qu’il n’est plus à la mode en .
Bien cordialement

Ray Peterson
Ray Peterson
il y a 1 année

Pour ma part, je l’ai bien mieux aimé que Shaolin Soccer. Une vraie comédie musicale d’action de gangster avec supers pouvoirs. Tellement de genres mélangés que cela aurait pu donner qqchose de foutraque qui finalement s’avère très bien dosé. Le film est étonnamment assez violent. Le combat final va tellement loin que c’en est absolument jouissif !

Incognito
Incognito
il y a 1 année

J’en garde un très bon souvenir, vu au ciné à l’époque, qu’est ce que c’était bien!! Mon père et moi on s’était bien marré. A quand le prochain chow?? Si quelqu’un a des news du bonhomme.

Birdy le gaulois
Birdy le gaulois
il y a 1 année

Le meilleur Asterix et Obelix, et de loin.

Cidjay
Cidjay
il y a 1 année

Je l’avais vu au ciné après la très bnne surprise Shaolin Soccer, mais j’en ai gardé peu de souvenir, c’était pourtant bien, mais je préfère Shaolin Soccer et ses effets spéciaux PS2.

saiyuk
saiyuk
il y a 1 année

la claque a l’époque, et pourtant j’en avait vu des films de kung-fu ou des comédies HK, mais la il avait frappé trés fort, tout est maitrisé, de l’humour a l’action, en ant par les émotions, un grand film, un divertissement haut de gamme.