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Mission Impossible 8 – The Final Reckoning : critique du best-of pas toujours digeste de Tom Cruise

Par Antoine Desrues
21 mai 2025
MAJ : 23 mai 2025

C’était l’événement glamour attendu de ce Cannes 2025 : la présentation hors compétition de Christopher McQuarrie. En salles le 21 mai. 

© Paramount

La croisière s’amuse (un peu trop)

L’introduction de The Final Reckoning a le mérite de poser le projet esthétique et thématique de cet ultime Mission : Impossible. Plus découpé qu’à l’accoutumée lors de ses premières envolées cinétiques, le film est surtout bardé d’inserts des précédents épisodes, dans une démarche de best-of qui vient sciemment parasiter le déroulé de l’intrigue. L’œil dans le rétro, Tom Cruise se montre plus que jamais obsédé par le temps qui e, au point de rameuter d’anciens personnages secondaires de la saga et de réveiller d’improbables lignées pour bien montrer que lui n’a pas changé.

Si les stratagèmes du cinéma pour cacher les rides de la star semblent le figer dans une éternelle jeunesse que seul le septième art peut accomplir, ce corps fantasmatique est tout de même renvoyé aux images d’il y a 30 ans. C’est toute la contradiction de Mission : Impossible 8, qui a envie de faire le bilan de ses bons et loyaux services, tout en déroulant un programme nostalgique qui voudrait renforcer la permanence de Tom Cruise et son impact dans le cinéma d’action contemporain.

Mission impossible final reckoning
Dans « équipe », il y a les lettres « Tom Cruise prend toute la place »

Ça marchait pour Top Gun : Maverick, dont le bagage culte du modèle de Tony Scott renfermait une émotion évidente. On ne peut pas en dire autant de Mission : Impossible et de sa mythologie prétexte, que Cruise a toujours assumé d’instrumentaliser pour ses scènes d’action improbables.

On s’inquiète donc de voir la première heure laborieuse s’embourber dans des séquences d’exposition pataudes, surtout lorsqu’elle doit rappeler les enjeux du précédent volet. Maintenant en possession de la clé capable d’accéder au code source de l’Entité, cette fameuse IA maléfique adepte de la post-vérité et de la paranoïa globale, Ethan Hunt et toute sa clique doivent trouver le Sébastopol (le sous-marin détruit au début de Dead Reckoning) qui renferme ledit code source.

Problème, entretemps, il faut er par plein de justifications, plein de chaînes de commande contradictoires, plein de retournements de situation et plein de comptes à rebours qui réduisent des chances de succès déjà infimes. The Final Reckoning voit tellement grand qu’il et une surenchère absurde, où un timing majeur du récit se résume à 100 millisecondes, soit « un clin d’œil ». Un comble, pour un démarrage aussi fragmenté et ralenti, quand bien même sa frustration fait clairement partie de son discours.

Mission impossible final reckoning
Un totem de la saga parmi d’autres

Mourir peut attendre

Plus que jamais, Ethan Hunt (on ne parle même plus de la Force Mission Impossible) est seul, résistant face à des bureaucraties tentaculaires et des gouvernements foncièrement imparfaits. Toujours trahi et incompris, il est officiellement considéré comme un élu sacrificiel, le seul à pouvoir affronter cet « anti-Dieu » qu’est devenue l’Entité… Ce package héroïque un peu grossier, l’acteur nous y a habitués depuis longtemps, mais il donne lieu ici à des tirades qui n’essaient même plus de déguiser leurs relents scientologues (transcendance individuelle, civilisation qu’il faudrait sauver de sa folie…).

Dommage, car le ton très sombre de The Final Reckoning possède une beauté évidente, qui conjugue ses habituels décomptes et sa dimension globe-trotter avec une odeur de fin du monde totale. On pourrait trouver la menace nucléaire au centre de la narration quelque peu naïve (surtout dans sa façon de raviver l’opposition États-Unis/Russie) si elle ne reflétait pas une escalade très vite incontrôlable et un goût pour l’autodestruction qui ne cesse de se répéter, autant dans l’actualité que dans les visions de l’Entité.

Pas de pression

« C’est écrit », comme aiment à le dire les protagonistes depuis Dead Reckoning, et la persévérance qu’Ethan Hunt projette de manière métatextuelle sur son interprète e son temps à combattre cette assertion. C’est l’autre contradiction – pour le coup fascinante – de Mission : Impossible 8 : tout en voulant effacer les signes de son inévitable vieillissement, Tom Cruise aime marteler à l’écran la tangibilité de son corps, quitte à le déformer et à l’enlaidir lorsque le vent frappe ses joues en altitude, ou que les profondeurs de l’océan lui provoquent des tremblements et des spasmes.

Derrière sa soif d’analogique, en accord avec une méthode promotionnelle qui a fait ses preuves autour des cascades de Cruise (on n’est pas dupes, les effets numériques restent très présents), The Final Reckoning revient à l’essentiel. Ce qui compte, ce qui a toujours compté, c’est la gravité, et le fait de transcrire ses conséquences sur le physique malmené d’Ethan Hunt. Christopher McQuarrie s’amuse ainsi à opposer les deux extrêmes : un plongeon dans les abysses vers l’épave du Sébastopol, et un climax dans les nuages à bord des fameux biplans teasés par le marketing depuis plusieurs années.

Ils sont fous ces scientologues

Et ça cruise encore

Dans les deux cas, la mise en scène, qui sait habilement er d’un effet domino à un autre, subjugue par sa manière de spatialiser avec précision ses terrains de jeu, avant de tout envoyer valdinguer. La surface de l’eau e d’un côté à l’autre, la caméra s’arnache comme Cruise en plein looping, et nous voilà embarqués dans une abstraction somptueuse, où chaque geste résiste à cet appel du vide. Si Tom Cruise ne semble pas encore prêt à accepter la phrase « de la terre, tu retournes à la terre », c’est bien ce vertige qui constitue la sève de son spectacle total.

The Final Reckoning est d’ailleurs sauvé par cette croyance indéfectible dans le pouvoir de ses set-pieces, rallongés jusqu’à un point de rupture grisant. On ne doute pas du savoir-faire de McQuarrie et Cruise, mais leur générosité était jusque-là conditionnée par leur cinéphilie.

tom cruise mission impossible final reckoning
La jeunesse éternelle : la vraie mission vraiment impossible de Tom Cruise

Comme beaucoup d’autres franchises persuadées du poids très surfait de leur univers, Mission : Impossible s’en réfère surtout à lui-même dans ce dernier opus, ce qui explique en partie ses détours maladroits et ses problèmes de MacGuffins emboîtés, qui en viennent même à gâcher le flou hitchcockien assumé qui entourait la « patte de lapin » dans Mission : Impossible 3.

Ce révisionnisme gâche un peu la fête, et ne sert au fond qu’à nourrir la propre légende de Cruise. Après tout, on sait que la saga n’a fait que ça depuis ses débuts : parler de la star hollywoodienne à travers son personnage de super-espion incapable de lâcher prise, au sens propre comme figuré. Par ce biais, The Final Reckoning se montre touchant à plusieurs reprises, mais il est peut-être temps pour Tom Cruise de er à autre chose.

mission impossible final reckoning
Rédacteurs :
Résumé

Les morceaux de bravoure de The Final Reckoning sont parmi les meilleurs de la saga, mais la formule de Tom Cruise commence à s’essouffler, la faute à un fan-service mégalo qui alourdit ce blockbuster trop long.

Autres avis
  • Alexandre Janowiak

    Mission Impossible 8 "termine" la saga en demi-teinte, sauvé par deux scènes d'action mémorables (dont une sous-marine folle) et plombé par une scientologie omniprésente avec son Thetan Tom Cruise.

  • Geoffrey Crété

    The Final Reckoning est le parfait bouquet final d'une saga qui a déraillé autour de l'ego de Tom Cruise pour devenir une auto-caricature de l'extrême. C'est invraisemblablement grotesque et mal foutu, et c'est donc évidemment fascinant pour étudier l'acteur. Avec une fantastique séquence sous-marine qui, tristement, prouve à quel point le reste du film ne tient pas debout.

  • Mathieu Jaborska

    Rarement on aura vu un film aussi stupide se prendre autant au sérieux. Deux heures d'exposition ultra-laborieuse et sentencieuse pour deux bonnes séquences : le ratio est pathétique. Mais qu'importe : la seule raison d'être de ce Mission : Impossible, c'est la consécration ultime de la secte Tom Cruise, que le scénario indigent transforme – littéralement ! – en Dieu.

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Zoup55
Zoup55
il y a 6 jours

Je viens de voir dans la même journée la 1ere demi heure de MI8 , et la 1ere demi heure de MI7, c’est édifiant la perte de qualité d’un opus au suivant. Dans le 7 tout est bien posé, expliqué avec ce qu’il faut de tension et d’action, on comprend tous les enjeux avec en prime une bonne scène de sous marin (copié sur Red October certes) une bonne scène de fusillade dans le désert, et une bonne scène au QG des militaires…alors que dans le 8, c’est un quasi copié collé où l’on ne comprend plus rien aux enjeux alors même que tout est reexpliqué au quasi identique. Et en prime on a zéro scène d’action…bref…c’est vraiment ce qui s’appelle se tirer une balle dans le pied. Moins bien moins vite et beaucoup plus cher

Oldskool
Oldskool
il y a 7 jours

Allez le voir en 4DX… Vous éviterez un séjour au Futuroscope… Ça brasse autant que leurs attractions…

Quoi que fasse la légende Tom Cruise… Ça marche… Ils ont tué James Bond… Ils auraient pu en faire de même pour Ethan Hunt. Le Demi Dieu Cruise n’a sans doute pas voulu cela… Là on aurait eu une toute autre vision du film n’est-ce pas…

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 9 jours

Ma MISSION IMPOSSIBLE de faire une critique pas plus de 2 heures 49.
Trop long à démarrer, des Flash Back pour faire le lien avec tous les films de la Saga.
Deux scènes à retenir : Ethan se rend dans le Sous marin une plongée on le suit on a le souffle coupé et……….. une incohérence .
La poursuite avec les Bilplan de Gabriel et Ethan accroché à un autre Biplan incroyable.
Pour le reste l’histoire comment arrêter ENTITÉ .
Un film trop long , bavard j’aurais voulu plus d’action.
☆☆☆

Spock
Spock
il y a 12 jours

Plutôt d’accord avec l’article: Blockbuster boursouflé qui sombre trop souvent dans l’auto-caricature.
C’est effectivement le goût que m’a laissé cette conclusion en sortant du ciné.

Ethan
Ethan
il y a 12 jours

Svp écran large distinguez les 4 premiers films des 4 derniers et prions pour un 9e film dans la lignée des 4 premiers films

Ethan
Ethan
il y a 12 jours

Geoffrey Crété  » le parfait bouquet final d’une saga  »

Votre critique ça sent pas bon. Vous semblez confirmer la bande annonce qui fait de tous les épisodes de la série de films des suites.
1) les 4 premiers films sont des films indépendants pas des suites
2) rogue nation est le premier film qui se raccroche et seulement au 4
3) donc mi8 se raccroche au 1 et peut-être au 2 et au 3 soyons fou si on comprend votre critique. Bref la saga mc quarrie 5, 6, 7 et 8 a un récit pauvre
4) pas sûr que tom souhaite arrêter là

Flo1
Flo1
il y a 12 jours

Mignon, rien possible.

La Fin du Monde. Une idée qui était déjà devenu de moins en moins plausible à l’époque de la série télé « Mission : Impossible », post Crise des missiles de Cuba… où la destruction mutuelle assurée via le nucléaire ne sera finalement plus du tout envisagé par aucun pays au monde. Et en même temps, faire se er la série dans des pays étrangers fictifs permetait de ne pas parler trop ouvertement de la Guerre Froide… pour, évidemment, être surtout un show Méta sur le pouvoir de la Fiction, l’équipe IMF n’étant rien d’autre qu’une équipe de cinéma, artistes créant une réalité alternative pour mieux manipuler leur cible – donc nous, public.
Les adaptations avec Tom Cruise, quand elles sont à leur meilleur, suivent cette voie… et alors, ça devient formidable, même si le Grand Public s’en rend un peu moins compte que les cinéphiles (du casse muet à la CIA à un film catstrophe feroviaire, de jeux de masques à des valses entre traîtres)…

Flo1
Flo1
il y a 12 jours

Las, ce « Mission : Impossible – The Final Reckoning » semble avoir abandonné le « film dans le film », qui est si amusant, au profit du côté « sauveur de l’humanité », avec toute une dimension militaire qui était périphérique à la série jusque là.
Ici elle est énormément présente, et instaure une ambiance pesante, peinant à exister à contrario de la légèreté de prédilection des saltimbanques de l’IMF.
Finie la métaphore des artistes/artisans contre les froids exécutifs de studios. L’heure est grave, l’horloge de l’Apocalypse se rapproche de son terme… et histoire que vous le compreniez, on va vous le rappeler plein de fois.
Que voilà un film bien culpabilisateur par rapport à notre monde (elle est là, la dimension Méta), où ce sont des êtres volatiles qui refaçonnent les sociétés actuelles pour leur faire faire des tas de débilités nihilistes. Si vous niez avoir eu connaissance de ces agissements, un message vidéo vous en fera un résumé… Et des scènes des précédents films, intercalées au milieu des dialogues, illustreront toutes les explications…

Flo1
Flo1
il y a 12 jours

Sauf que ça n’est pas qu’à nous que ça s’adresse précisément, mais à Ethan Hunt et aussi tous les personnages. Alors qu’ils sont censés être un tantinet au courant du contexte de l’histoire. Ça sera la première des nombreuses maladresses de ce film, qui semble conçu autour de ses deux gros moments de bravoure, mais sur 2 h 50… sans être méchants, vous pouvez vous ballader quelques minutes entre, vous ne louperez pas toujours grand chose (on y reviendra plus tard)…

Flo1
Flo1
il y a 12 jours

Et si vous ratez la scène où Hunt parle à l’Entité, devenue maintenant un banal Skynet/Ultron, ce sera d’autant mieux… parce que c’est là qu’on aurait pu avoir le vrai climax du film, en confrontant leurs philosophies respectives. Et non seulement ça arrive trop tôt, mais en plus tout le plan d’action de Hunt nous y est vite résumé… dans ce cas, qu’est-ce qui reste à faire alors ?
Le parti-pris de Cruise et du réalisateur Christopher McQuarrie sera donc de composer la narration de scènes d’exposition, de retours en arrière et en avant, et de préparatifs à une unique mission, dans lesquels les personnages vont aller de galère en galère pour accomplir une série d’actions méthodiques et liées entre elles, sans se priver de donner leur sentiment sur la situation – oui, c’est bien comme l’incompris « Avengers : Endgame », mais en plus lourd, plus lent, moins dense (pas énormément de guests stars des autres films) et moins ludique…