Films

Chime : critique d’un cauchemar en cuisine

Par Mathieu Jaborska
31 mai 2025

Cela faisait quatre ans que l’hyperactif Chime d’ouvrir les hostilités, au sens propre comme au sens figuré, le 28 mai 2025. Ne vous fiez pas à sa durée de 45 minutes à peine : le cinéaste n’a rien perdu de son sens du malaise.

© Art House

Cure toujours

Si le réalisateur est connu en occident, c’est grâce à ses thrillers d’épouvante, qui lui ont valu d’être plus ou moins affilié à la J-Horror déferlant sur nos écrans dans les années 2000. Plus subtil que Takashi Miike ou Hideo Nakata, il a depuis décliné son fantastique minimaliste, voire parfois sous-entendu, dans d’autres conditions et dans d’autres genres. Avec Chime toutefois, il renvoie directement à ses deux longs-métrages les plus célèbres et les plus terrifiants, à savoir Cure (1997) et Kaïro (2001).

Chime
Nul en cuisine ou possédé ?

Ici aussi, les prémisses sont on ne peut plus triviales. Mutsuo Yoshioka (vu dans l’impressionnant Onoda) joue un chef qui anime un cours de cuisine, bien qu’il ait d’autres ambitions. Or, l’un de ses étudiants adopte un comportement pour le moins bizarre : il prétend entendre un son (un carillon, traduction du titre) qui le perturbe. Une fois de plus, le cinéaste dépeint un quotidien qui ne veut pas être dérangé. Même lorsqu’un éclat de violence surgit de nulle part, chacun retourne à ses occupations, sa famille, ses entretiens d’embauche, comme si rien ne s’était é.

Sauf qu’il reste un résidu, insaisissable, inexorable. Kurosawa ressort toute sa panoplie de l’inquiétante étrangeté qui faisait peu à peu basculer Cure dans le malsain le plus étouffant. Son format hybride réduit encore un peu plus les perspectives d’un père de famille tout ce qu’il y a de plus normal. Pourtant, il parvient à semer le doute chez le spectateur, puis à carrément le persuader que quelque chose ne tourne pas rond.

Chime
Des personnages qui évoluent entre les lignes, littéralement

Knife party

Bien sûr, Chime évoque la contamination du mal dans une société où tout est contrôlé et compartimenté, du confort de la spacieuse cuisine au rituel ultra-codifié de l’entretien d’embauche. Un mal qui se transmet sous l’influence d’une présence, rappelant les fantômes que le cinéaste n’a cessé de mettre en scène comme des anomalies dans le tissu social. On ne saura jamais ce que pense ce protagoniste finalement assez mystérieux, qui déraille de la voie dégagée de la vie bien ordonnée.

Chime
La surprise du chef

Mais comme dans Cure, le surnaturel qui intéresse Kurosawa est aussi une pure émanation de l’image cinématographique, illusion baignant perpétuellement dans la vallée de l’étrange, presque par définition. Ainsi, le pseudo-réalisme adopté par le long-métrage, d’ordinaire rassurant, finit par se retourner contre le spectateur lorsque la composition des décors devient trop quadrillée pour vraiment paraître plausible. De plan en plan, Chime fait de plus en plus froid dans le dos.

Mais le pire, c’est évidemment le son. Kurosawa et ses équipes font raisonner ce bruit spectral aux quatre coins de ces 45 minutes, instillant une ritournelle dérangeante dans le train-train (expression très appropriée dans ces cas) quotidien. Une expérimentation qui fait presque figure de parenthèse dans sa filmographie avant Cloud, plus terre à terre. Mais qu’il foute la trouille ou pas, et malgré ses pas de côté récent, il reste l’un des plus adroits manipulateurs psychologiques.

Chime
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Résumé

Bienvenue dans un enfer de pur cinéma, où le mal suinte du moindre plan, du moindre son.

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