Films

Alien : Romulus – critique du vrai retour des xénomorphes sur Disney+

Par Antoine Desrues
16 mai 2025

Malgré son statut de saga mythique du septième art, on ne peut pas dire qu’Alien fasse l’unanimité é le deuxième opus de James Cameron. Entre des épisodes 3 et 4 chaotiques (mais attachants) et les prequels controversés de Ridley Scott, la franchise avait besoin de sang à l’acide neuf. Voir ainsi Alien : Romulus est exactement le long-métrage dont l’univers des xénomorphes avait besoin. En salles le 14 août.  

© Canva 20th Century Studios

Make Alien Great Again 

Le premier plan d’Alien : Romulus constitue la meilleure des notes d’intention. Dans l’esprit du film séminal de Ridley Scott, une maquette de vaisseau spatial émerge des profondeurs du cosmos et se rapproche du spectateur. Mais là où les limitations techniques de 1979 obligeaient le montage à changer d’angle pour souligner la taille massive du Nostromo, la caméra se contente d’un unique mouvement spectaculaire, jusqu’à atteindre le hublot d’une salle des commandes soudainement activée. 

Sans jamais oublier le é, Fede Alvarez a bien conscience que la modernité des outils à sa disposition lui permet de pousser dans ses retranchements le génie d’Alien : la fluidité absolue de sa mise en scène, et l’efficacité de son storytelling visuel. Avant même que la moindre créature ne débarque, Scott filmait les couloirs vides et inquiétants de son cargo de l’espace à la manière de boyaux biomécaniques, prêts à sacrifier et digérer les pauvres baroudeurs qui allaient croiser le chemin du xénomorphe.

Alien a toujours métaphorisé un système (digestif), un capitalisme tellement ancré dans les mœurs qu’il finit par s’auto-détruire, par bouffer les corps de l’intérieur. Si la fameuse corporation Weyland-Yutani s’est développée au fil de la saga comme sa véritable entité maléfique, elle sortait de plus en plus du bois à chaque épisode. La grande réussite de Romulus tient à son nouveau regard sur la colonisation spatiale, qui dépeint les rêves brisés de toute une génération prisonnière de Jackson’s Star.  

Dans cet enfer dystopique qui n’est sans évoquer l’autre chef-d’œuvre de Scott (Blade Runner), il suffit de quelques scènes pour tout comprendre du quotidien abrutissant de ces ouvriers surexploités, et en particulier de Rain (Cailee Spaeny, idéale en héritière de Ripley) et son frère adoptif Andy (David Jonsson, très touchant). Alvarez et son chef-décorateur Naaman Marshall convoquent le look rétro-futuriste déliquescent des premiers films, moins par nostalgie que pour texturer ce monde d’un avant-goût de fin programmée.

Bisou baveux

Un festin à s’en péter le bide 

A vrai dire, Alien : Romulus sait bien qu’il appartient à une saga codifiée. Plutôt que d’esquiver ou de détourner maladroitement ses ages obligés, il les embrasse pour mieux les redéfinir, sans s’appesantir dessus. On sait pourquoi on est là, et le contrat de confiance é avec le long-métrage ne cherche jamais à nous la mettre à l’envers.  

En petit prodige habile du cinéma d’horreur, Fede Alvarez se montre brillant là où on l’attendait le plus, à savoir dans son build up horrifique. Rain et Andy rejoignent un groupe d’amis colons, bien décidé à quitter leur mortifère planète grâce à une station spatiale en orbite qu’ils savent abandonnée. A partir de là, Romulus s’amuse avec sadisme de son ironie dramatique, qu’il façonne à la manière d’un DJ trop heureux de faire monter la sauce avant son drop.  

Aliens Colonial Bourrins

Alvarez resserre la donnée spatiale et temporelle de son récit, et disperse avec une malice dans le regard tous les éléments de son jeu de massacre à venir. Entre ses comptes à rebours et ses réactions en chaîne aux lourdes conséquences, le scénario renouvelle ses enjeux avec beaucoup d’inventivité (on pense au risque que représente le sang acide des monstres, ou encore à cette magnifique vision des anneaux de la planète sur lesquels risque de se crasher la plateforme).  

On en revient à cette notion de fluidité, d’autant plus importante dans une saga où les fluides ne cessent de s’échanger. Tout va plus vite dans Alien : Romulus, du système de reproduction du xénomorphe – dont la peinture est peut-être la plus belle et complète à ce jour – à ses retournements de situation. Le cinéaste puise le meilleur de la terreur du Huitième ager, avant de transiter vers l’action bourrée de tension d’Aliens, le retour.  

alien romulus isabela merced
Attention film méchant

Xéno-Best-of

Mais au-delà de cette efficacité, qui ne s’embarrasse pas de prendre le spectateur par la main, Romulus construit en creux une urgence politique plus explicite que jamais. En mettant en scène une jeunesse abandonnée en quête d’un avenir meilleur, Alvarez reproduit le désespoir de Don’t Breathe et de ses héros lâchés dans un Détroit en ruines. Dans sa quête de rendement permanent, le libéralisme exploite les masses dès le plus jeune âge, jusqu’à annihiler toute forme d’humanité. Pour leur survie, les personnages sont amenés à retenir leur peur, à endiguer les réactions physiques les plus élémentaires, comme s’ils étaient soudain contraints de devenir des machines (superbe séquence face à des facehuggers à éviter où même la chair de poule est interdite).  

Le design si iconique et évocateur de H.R. Giger connecte certes depuis ses débuts l’organique et sa mécanique (notamment sexuelle). Pourtant, dans la lignée d’Alien 3 et 4, Alvarez nourrit son imaginaire avec les possibilités offertes par son “organisme parfait” et son évolution, peut-être même avec plus de réussite que ses modèles.  

Déjà-vu ?

Sa troupe inévitablement transformée en chair à pâtée porte en elle les inquiétudes de son époque : face à un monde en perdition, donner la vie n’est-elle pas la chose la plus effrayante à faire ? C’est à la fois la plus belle idée d’Alien : Romulus, et sa limite :  c’est la maternité contrainte et le fait de tomber enceinte qui fait le plus peur (ce qui était déjà présent dans Don’t Breathe avec sa fameuse scène de la pipette). Jamais les facehuggers n’ont été filmés avec autant de panache, quitte à ce que la forme finale de l’alien paraisse un poil décevante dans son exploitation horrifique.

 

Il faut dire que si le long-métrage a par instants des allures de best-of très bien pensé, son fan-service parasite sa seconde moitié, autant pour certains choix esthétiques discutables que pour le recyclage de certaines répliques et situations. Pour autant, Fede Alvarez a sans doute trouvé la meilleure manière de rendre à la franchise sa gloire d’antan : l’humilité d’un exercice de style virtuose, finalement beaucoup plus hargneux, politique et métaphysique que les kouglofs pseudo-kubrickiens de Ridley Scott.  

Rédacteurs :
Résumé

Derrière sa nature de best-of, Alien : Romulus trouve sa singularité auprès d’une jeunesse touchante, symbole d’une génération sacrifiée. L’occasion pour Fede Alvarez de signer un exercice de style politique et méchant, dont la mise en place brillante s’impose parmi les sommets de la saga.

Autres avis
  • Déborah Lechner

    Avec Alien : Romulus, Fede Alvarez revient aux fondements de la saga, qui se superposent naturellement aux fondamentaux de son cinéma. C'est non seulement le film Alien le plus redoutable depuis longtemps, mais aussi le meilleur film de son réalisateur.

  • Judith Beauvallet

    Romulus est la suite la plus pertinente et la plus intéressante au Alien de Scott, à défaut d'être la plus solide. Le poids de l'héritage traduit en fan service et en redites, ainsi que quelques effets trop lourdingues, empêchent ce film (vraiment) horrifique et (joliment) politique d'être aussi parfait qu'il n'est pas loin de l'être.

  • Mathieu Jaborska

    Certes, Romulus bouffe à tous les râteliers de la mythologie au détriment de sa propre identité et se permet un fan service qui corrompt encore un peu plus la singularité de l'organisme Alien au sein du paysage hollywoodien. Mais quel putain de film d'horreur, généreux, intense et vicieux !

  • Geoffrey Crété

    Entre suite, prequel, remix et hommages, Alien : Romulus gigote dans tous les sens pour justifier sa place dans une saga transformée en musée. Une démonstration molle et nécrosée qui prouve encore une fois que la franchise devrait s'arrêter.

Tout savoir sur Alien : Romulus
Vous aimerez aussi
Commentaires
Veuillez vous connecter pour commenter
147 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
IronS40180
IronS40180
il y a 17 jours

Film ridicule, mal tourné, stupide, trés mauvaise copie et plus que tout mal joué, sans énergie.

Affreux affreux affreux.

Ropib
Ropib
il y a 1 mois

Je l’ai enfin vu… enfin je me suis arrêté un peu après la moitié.
Je n’ai pas trouvé le film méchant, et je l’ai plutôt trouvé gentil, à vouloir singer l’éthique rationnelle de Ripley mais en étant complètement hors sujet en montrant une moraline de neuneu. Alors… je me trompe peut-être, si ça se trouve ce film avait exactement pour objectif de nous faire ressentir de la sympathie pour le xénomorphe, je ne sais pas. En tout cas le film a réussi à me rendre le personnage de Cailee Spaeny antipathique alors que l’actrice provoque plutôt la sympathie avec une expressivité un peu enfantine. Voilà, j’pense que notre époque a justement besoin de prendre en considération la nécessité de produire une nouvelle morale liée aux contingences matérielles, et un personnage comme Ripley pouvait en être une incarnation, et de prendre sa distance avec une moraline ésotérique, arbitraire et complètement perchée. Ça m’a énervé. Je n’ai pas vu la critique du capitalisme dans ce film… je me suis peut-être arrêté trop tôt, mais ce que j’ai vu, c’est une critique du méchant capitalisme sous-entendant la nécessité de protéger le gentil capitalisme… tout faux !

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 4 mois

Le Deep Fake de IAN HOLM dans la version 4k le Studio qui a réalisé le Deep Fake à améliorer les effets sur le visage de ROOK.

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 5 mois

La créature  » Offspring  » totalement loupé. Il avait des idées plus intéressantes. Un hybrid avec une tête plus allongé avec des ailes. Comment gâché une idée intéressante.

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 5 mois

ALIEN – ALIENS – ALIEN 3 des CHEF-D’OEUVRE. 
ALIEN RESURECTION Visuellement des qualités mais le Clone de Ripley c’est NON.
PROMETHEUS c’est la réponse de Ridley aux fans qui pendant 30 ans ont posé la question d’où viennent les Œufs dans le DERELICT Et les XÉNOMORPHE. 
ALIEN COVENANT est le pire de la SAGA ALIEN. DAVID Extermine un peuple ( ils ne sont pas les ingénieurs) et SHAW . Incompréhensible. 
Le succès de ALIEN ROMULUS va relancer la Saga , Fede Alvarez avec son scénariste ont déjà des pistes pour suivre l’histoire de RAIN ET ANDY.

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 5 mois

Steelbook 4k de ALIEN ROMULUS le film + en Bonus :
– Scènes Allernatives/ rallongées 
Traversée du couloir des FACEHUGGERS
Mort de BJORN
Laboratoire ROMULUS
Premier avec la Ruche
– Retour à L’HORREUR : MAKING OFF
– En Apesenteur avec les Xénomorphe
– Conversation autour de ALIEN 

cidjay
cidjay
il y a 7 mois

Vu hier, pas déçu, le film est plutôt joli (belle photographie, belle mise en scène), la tension de la deuxième moitié est étouffante au possible… Mais pas conquis non plus : le film n’apporte rien à la mythologie des films « Alien », il ne fait qu’emprunter ci et là quelques éléments pour faire de gros clins d’œil sans finesse aux spectateurs… je ne suis même pas sûr de pouvoir dire que c’est mieux ou moins bien que n’importe quel film Alien (excepté les VS Predators et Prometheus)

DjFab
DjFab
il y a 7 mois

Enfin vu, je l’ai trouvé excellent, je ne m’attendais pas à si bien !

Marc en RAGE
Marc en RAGE
il y a 7 mois

ALIEN ROMULUS 350 millions au Box Office est rassurant pour une suite à ka Saga ALIEN.
Impatient pour la version 4k, une partie deleted scènes : BJORN se retourne vers KAY est se fait embrocher par la queu du Xénomorphe dans le Cocon.

funkypierrot
funkypierrot
il y a 8 mois

Perso, fan de la licence Alien, j’ai beaucoup aimé ce « Romulus ». Il pompe à gauche à droite mais c’est un hommage au 1er. Les effets spéciaux sont top et on a é un bon moment.